Ma tribu pieds nus T.1 Adieu, béton! – Stéphane Nicolet

Quel pied, ce roman! Du rythme, de l’inventivité, de la drôlerie, de la finesse, de la tendresse, tout ce que j’aime! L’histoire démarre sur les chapeaux de roues : on assiste au départ précipité de la famille Papaioannou pour le sud de la France suite à l’incendie de leur logement en banlieue parisienne, causé par Achille – le père – qui, en faisant flamber quelques crêpes a enflammé tout l’appartement! Heureusement, pépé a la soluce : la tribu quitte la place non sans perte et fracas direction Sauvetat-sur-Bedoule – où les attend la vaste demeure d’un aïeul -. Bye Bye La cité des Flamants Roses, hello la cambrousse! Le père, la mère, les trois enfants – Hélios 15 ans, Sélé bientôt 12 Apollon 5 – et le grand-père arrivent à destination avec dans les poches plein de bonne volonté mais beaucoup d’ ignorance. Les débuts sont forcément durs pour les ados : sans « ouifi » sans supermarché à proximité et pour seule horizon la campagne – heureusement l’été est là et les vacances avec -. La mère installe son cabinet dans la maison, le père lie vite connaissance avec les « locaux » qui lui insufflent l’idée de mettre en scène un spectacle de clown, quant au grand-père il entreprend de faire un jardin potager – et c’est pas gagné! -… C’est Sélé qui raconte cet eldorado verdoyant, avec son regard son ressenti et ses mots à elle. Elle dit les rivières les pêches aux écrevisses les baignades, le goûts des figues et autres fraises des bois, la rencontre inopinée avec un « cerf », l’amitié avec les nouveaux voisins, la découverte d’une grotte et ses talents de « peintre », l’entraide, la beauté et le calme des paysages, les sentiments qui parfois la dépassent, l’amazone qui en elle se réveille, sa passion pour la déesse Artémis, l’origine et la réparation du traumatisme paternel…

Ce roman – oh joie, un second tome suivra – est une merveille, vraiment! Des jeux de mots et des dessins rigolos, des situations fantasques, l’adolescence et ses tourments, la famille dans tous ses états, les failles et la lumière qui se faufile au travers, la nature bienveillante, la solidarité… Si beau juste sensible et pertinent! J’ai adoré!

Ma tribu pieds nus T.1 Adieu, béton!, roman jeunesse illustré de Stéphane Nicolet, dès 9 ans, Casterman, février 2021 —

Alicia prima ballerina assoluta – Eileen Hofer et Mayalen Goust

Du mauve et du rose, la finesse du trait, des corps dansants, de la grâce de la persévérance de la discipline, l’étirement du temps, trois générations de femme, La Havane, Cuba, le régime castriste, la religion, la révolution, la danse comme instrument de propagande et de démocratisation… Ce roman graphique est intense et beau, doux et fort. De 1931 à nos jours, on découvre – de manière décousue mais sans confusion – l’ascension et la consécration de la danseuse étoile Alicia Alonso, l’espoir d’Amanda en 2011 d’intégrer Le ballet national de Cuba fondé par la Prima Ballerina Assoluta en 1948 avec son mari, et l’amertume de Manuella dont le rêve d’être danseuse classique s’est brisé soudainement. Toutes trois sont infiniment belles combattantes et lumineuses. L’émouvante et l’inébranlable Alicia, merveilleuse étoile liée indéfectiblement à Gisèle et au Lac des cygnes, qui dansait malgré ses troubles de la vision – elle continuera de danser malgré sa cécité jusqu’à un âge avancé -, la rêveuse et travailleuse Amanda qui s’entraîne sans relâche avec le désir d’atteindre l’excellence, Manuella la maman guerrière qui danse dans un cabaret fait le ménage à l’hôpital et se prostitue pour nourrir son fils et sa mère. Des histoires entrelacées captivantes basées sur des personnages et des faits réels, La Havane ses beautés ses fragilités ses douleurs, La danse entre élégance et souffrance rigueur et légèreté au service du pouvoir et parenthèse enchantée un rêve une réalité une transmission.

Alicia prima ballerina assoluta, roman graphique d’Eileen Hofer et Mayalen Goust, Rue de sèvres, avril 2021 —

Inflorescence – Raluca Antonescu

1911, une femme, le cœur au bord des lèvres, le corps au bord du gouffre. Le Gouffre du diable, en plein Jura. Sa gueule ouverte au vent depuis une éternité… on y jette les animaux malades… après ce sera les obus et autres munitions de la guerre, et plus tard encore le tout ayant macéré, on posera des barricades autour de la cavité, comme s’il était possible d’endiguer la pollution engendrée. Le ventre de cette femme est rond et lourd d’un enfant qu’elle ne peut pas élever… Dans les années 20, Aloïse sera rejetée par son père, qui la hait d’avoir tué sa femme en couche. La forêt la prendra dans son antre, bienveillante et nourricière, puis la petite se blottira dans les bras de l’extravagante Mademoiselle Suzie et ensemble elles construiront un grand beau et bon jardin. 1967, Amalia s’installera tout sourire dans un lotissement neuf aseptisé et froid loin de la ferme de son enfance, de ses odeurs pestilentielles de ses affreux animaux de ses horribles insectes de la terre chaude et salissante. 2007, Vivian affrontera avec difficulté la mort de sa mère, une rupture amoureuse, un travail qui l’insupporte quand son beau-père lui fera des confidences et brisera un secret tout en jardinant. 2008, Catherine tout à sa quête en Patagonie, celle qu’elle avait commencée avec son amour aujourd’hui disparu, de reboiser des forêts brûlées, sentira en elle monter la culpabilité – un manque écrasant.

Inflorescence. Sur la même tige, plusieurs fleurs. Plusieurs femmes. Des racines identiques, des cœurs qui battent fort, les unes pour les autres. Toutes reliées, au-delà des générations. Des femmes cueillies par la vie, sa clameur, son agitation, ses barrières, ses contraintes… Des vies effeuillées entaillées façonnées apprivoisées… Des empreintes du passé, des territoires conquis des traumatismes compris des moments charnières des directions à prendre des libertés retrouvées malgré l’équilibre instable – en bordure du gouffre, toujours -. Et le végétal implanté dans chacune d’elles. La nature tour à tour sauvage fragile survivante forte domestiquée malmenée, rayonnante belle et courageuse, qui se déploie transmet répare calme console, et donne du sens. Un roman d’une grande puissance.

Durant cette année, nous égrènons les mois avec à chaque fois un thème choisi par l’une et l’autre alternativement. Le thème de mai était Courage. Nous devions chroniquer en secret un livre s’y rapportant. Et délicieusement le découvrir ensemble aujourd’hui! Voici la chronique de Nadine

Le thème de juillet sera : roman policier

Inflorescence, roman de Raluca Antonescu, éditions La Baconnière, janvier 2021 —

Les bourgeoises – Astrid Eliard

Je lis peu de nouvelles. J’aime les intrigues, les péripéties, faire un bout de chemin avec les personnages. J’aime m’installer dans une histoire pour la vivre pleinement, longtemps. Mais parfois je me laisse tenter, car je connais la plume. Et l’écriture d’Astrid Eliard est de celle qu’on n’oublie pas. Sacrée Marie!, Danser, La dernière fois que j’ai vu Adèle, autant de romans autant de portraits sensibles et juste de femmes avec leurs ambivalences : fortes et fragiles, sombres et lumineuses, tristes et drôles, persévérantes et changeantes. En quête de sens, leurs sentiments valsent pour mieux s’ajuster aspirer espérer.

Au fil des nouvelles de ce recueil, défilent encore des visages féminins en clair-obscur, des figures de la bourgeoisie ( néo-bobos pour la plupart). Des textes doux-amers, un regard tour à tour tendre et ironique, des clichés démontés, un jeu d’observations et de questions soulevées. Une classe sociale auscultée à travers le prisme de situations souvent jubilatoires servis par des dialogues percutants.

Alors on se promène allégrement entre celle qui arpente chaque matin le grand magasin en quête de ses gouttes précieuses de Shalimar, celle qui en route pour un entretien d’embauche – lié à sa start-up – se retrouve au milieu d’une manifestation au côté d’un copain de jeunesse et d’une vague nostalgique, celle qui évoque non sans racisme, avec ses congénères, les nounous étrangères, celle qui préfère mettre son enfant dans une école catholique même si elle prône la mixité sociale, celle qui prend un malin plaisir à faire la cliente difficile à la pharmacie, celle qui atteinte d’alzheimer fait la quête dans la rue vêtue de ses plus beaux atours, celle qui enseigne et se persuade de gérer au mieux ses élèves issus d’un milieu social défavorisé, et celle nouvellement « riche » mise face à sa conscience et ses contradictions.

Un recueil savoureux!

Les bourgeoises, recueil de nouvelles d’Astrid Eliard, Mercure de France, mai 2021 —

Les victorieuses ou le palais de Blanche – Laetitia Colombani et Clémence Pollet

Enveloppés par la flamboyance tout en joie des couleurs, nous montons, comme Sumeya et sa maman, les marches du Palais de la Femme, rue de Charonne à Paris. Lieu refuge d’entraide et d’espoir, centre d’hébergement de partage et d’écoute. Ici, des femmes de tout âge et de tous horizons foulent ce sol accueillant, se posent un temps sous des regards doux et bienveillants, ayant fui la violence d’un pays en guerre, de la rue, de la précarité, de l’exclusion… Là, elles se savent protégées. Du haut de ses cinq ans, Sumeya – arrivée récemment d’Afrique – est ébahie par l’immensité et la beauté de ce Palais où se mêlent piano et livres, plantes et gymnase, grande cuisine et salle de réception, et partout des femmes qui portent en elles leur histoire leurs chagrins leurs traditions leurs langues leur pays leurs instants de bonheur aussi… Ensemble elles échangent, partagent, s’épaulent. Depuis qu’elle a découvert l’histoire de ce Palais et de sa fondatrice Blanche Peyron, Sumeya aimerait bien, elle aussi – plus tard – tendre la main à ceux qui en ont besoin. Fascinée par cette femme combative libre et passionnée, qui aida toute sa vie les plus démunis – devenant avec son mari les chefs de l’Armée du Salut à Paris -, et créa ce lieu unique – et tellement utile – dans un hôtel vide au siècle dernier, grâce au soutien financier de bienfaiteurs.

Un album lumineux sur le courage et l’audace d’une grande Femme pour abriter toutes celles que la vie a malmené, et le regard admiratif et plein d’espoir d’une petite fille d’aujourd’hui.

Les victorieuses, album jeunesse écrit par Laetitia Colombani – adaptation de son roman – et illustré par Clémence Pollet, dès 6 ans, Grasset Jeunesse, juin 2021 —

Nu intérieur – Belinda Cannone

C’est en dansant un tango qu’il la rencontre – elle, l’Autre, Ellénore. L’homme, à l’aube de la cinquantaine, marié depuis une décennie, avec l’Une, qu’il aime mais… la prise de conscience de son âge avançant, de son « statut de mortel », d' »un « fléchissement d’élan vital », accentuée par un infarctus, l’incite à retourner danser… Vibrer, tanguer, enlacer, à nouveau grâce à La Milonga. Avec, à l’esprit, l’envie claire de déceler quelques sentiments amoureux. Le désir ardent brûlant dévorant revivra en lui. Intensément, joyeusement. profondément. Bouleversant ainsi son état intérieur : sentiments exacerbés, choc, confusion. Bien plus qu’un adultère, on entre dans l’intime, le dedans. On voit les oscillations du désir et du cœur. Leurs ramifications. Leurs conflits. Le désir par définition fugace, les sentiments tenaces, l’inclination à l’attachement. Au-delà du désir de la passion, envisager le couple, le rêver. L’homme ne peut pas s’en empêcher, sans cesse en tension… en mouvement alternatif – amour toujours / désir morsure. Des troubles qui s’emballeront faisant tournoyer – à l’intérieur – des papillons noirs… la mélancolie.

Nu intérieur, roman de Belinda Cannone, éditions de L’Olivier, 2015 —

L’île aux crabes – Marie Le Cuziat et Jeanne Gauthier

L’île aux crabes, c’est un souvenir d’enfance tout doux, un lieu qu’on porte au creux de soi. Les vacances d’été la mer qui berce les chemins de traverse, le bateau de grand-père le vent dans les fougères, le grand rocher les petits secrets le bruit des galets, le ballet des goélands l’odeur des embruns. Le rituel le repère l’aventure. Le refuge l’imaginaire la nature. La liberté l’horizon l’excitation. L’enfant qui devient explorateur, le bateau qui devient navire, le rocher qui devient île. Les heures qui s’étirent la mer qui se retire les crabes et autres crevettes à chérir, et les rires. Chaque jour un spectacle différent le plein de beau le cœur en joie. Et le retour au phare, avec dans les yeux, des étoiles. Et avec elles les mains de grand-mère. Et les crêpes chaudes…

Un album comme une caresse, des mots délicats, des tons pastels, de la rondeur, de la douceur. Un album comme une transmission – jeux de l’enfance, nature généreuse, imagination débordante -. Un album comme une bouffée d’amour soufflée par Marie, Jeanne, et leurs souvenirs d’été. Cousines et passionnées l’une et l’autre de littérature jeunesse, elles ont créé bien plus qu’un album, en tissant autour de lui des cahiers et des carnets d’activités de jeux de découvertes liés à la mer et des objets de papier pour prolonger la lecture. Un album à aimer, un bord de mer à partager.

L’île aux crabes, album jeunesse écrit par Marie Le Cuziat et illustré par Jeanne Gauthier, Marguerette, dès 3 ans, juin 2021 —

Une carapace pour deux – Éric Sanvoisin et Delphine Jacquot

Transporter sa maison avec soi! Quelle chance! C’est pratique, poétique, pas typique! Grâce à sa carapace, la Tortue peut aller et venir où et quand bon lui semble, et ça elle adore. Et quand la fatigue, la faim, la soif, une envie pressante arrivent, hop en quelques secondes elle est chez elle, dans son cocon coquet et confort. Seulement la solitude lui pèse lourdement ces temps-ci… Alors un matin, une idée lui vient : elle va mettre sa carapace en colocation! Sitôt dit sitôt fait, elle passe l’annonce dans le journal, pressée de partager. Pas facile pour le facteur – pigeon voyageur – de remettre les lettres à la Tortue : elle est chez elle partout, c’est une nomade, sans adresse fixe! Bref, trois lettres lui parviennent, de trois expéditeurs très différents : un éléphant – beaucoup trop grand pour son petit nid -, une fourmi – beaucoup trop affairée pour la Tortue si calme – et un lièvre… Hé Hé! Le lièvre et la tortue, une histoire connue – avec une fin glorieuse pour la tortue justement. C’est un signe : il est le colocataire idéal! Mais la Tortue déchante vite car le Lièvre et elle sont cesse à contre-courant. Lui vit la nuit et dort le jour… et il ronfle! Ses ronflements sont si forts qu’ils effrayent tous les animaux alentours. En colère et fatiguée, la Tortue jette le Lièvre dehors… Bon débarras! Seulement, voilà qu’elle croise chiens et chasseurs… elle culpabilise et s’inquiète. S’il lui arrivait malheur, elle s’en voudrait tellement….

Un album drôle, extravagant, foisonnant de détails aux illustrations vivement colorées cocasses et immersives à souhait. Quant au rythme, il est fou, j’adore!

Une carapace pour deux, album jeunesse écrit par Éric Sanvoisin et Delphine Jacquot, dès 5 ans, L’étagère du bas, mai 2021 —

L’amant – Marguerite Duras

« L’histoire de ma vie n’existe pas. Ça n’existe pas. Il n’y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où l’on fait croire qu’il y avait quelqu’un, ce n’est pas vrai il n’y avait personne. » Ce flou me ravit chez Duras! Autobiographie roman… vérité invention?! Je n’écrirai pas de « chronique » sur L’amant, je n’oserai pas. Juste poser ici quelques mots… Un livre « photographique » comme je les aime. L’écriture est lente, décousue, lancinante, puissante, – ah sa scansion sa respiration… – et soudain, l’image se fige. On voit la jeune fille de 15 ans, accoudée au bastingage du bac qui traverse le Mékong. Sa silhouette belle et sensuelle, sa robe de soie transparente, ses talons hauts en lamé or, son chapeau d’homme et ses rubans. La limousine noire , le chauffeur en livrée. La lumière, le vent, le fleuve. Puis, l’homme élégant de la luxueuse voiture, le chinois de Cholen et elle, ensemble dans sa garçonnière. Alors qu’il tremble de désir et de peur, elle s’éveille à la sexualité dans un esprit d’indépendance et de transgression. Bien plus qu’un rite de passage. Une succession d’obstacles. L’Indochine des années 30, la relation complexe avec sa mère – aimante et protectrice avec ses deux garçons, autoritaire et vénale avec sa fille -, le grand frère brutal – qui dilapide la famille en jouant et se droguant -, le petit frère doux – disparu trop tôt -, la société coloniale, la différence sociale, l’envie irrépressible de devenir écrivain, le sentiment amoureux, l’amour impossible, l’argent, les non-dits, les paysages, les visages, les sensations, les phrases comme celle-ci qu’on lit et relit :  » L’air était bleu, on le prenait dans la main »… Et bien des années après, à Paris, elle et lui au téléphone. Sa voix à lui qui tremble, et qui aime…

L’amant, Marguerite Duras, éditions de Minuit, 1984 —

ama le souffle des femmes – Franck Manguin et Cécile Becq

Une barque. À son bord, un homme. Une corde qu’on lance. La mer, les oiseaux, le silence, l’attente… Sous la surface lisse, une femme, presque nue. En mouvement, en apnée. La descente… Puis l’ascension. Là voilà – jaillissante – qui perce le miroir de l’eau. Un ormeau dans une main, la corde dans l’autre. Nous sommes en 1962, au large d’Hégura, une île japonaise. Isoé est une ama, une femme de la mer dont la tradition de pêche, exclusivement féminine, est séculaire. Les amas sont fortes fières sauvages et respectées. Par filiation, elles se transmettent l’enseignement de ce souffle puissant.

Ce jour-là, Isoé reçoit chez elle sa nièce venue de Tokyo, Nagisa, qu’elle n’a jamais vue. Sa sœur ayant quitté l’île précipitamment vingt ans auparavant, aux bras de celui qui sera le père de Nagisa. Abandonnant Isoé, désormais seule ama de la famille et pleine de rancunes. La jeune femme, réservée et pudique, à la peau douce et laiteuse, a fui la ville, lieu d’un drame intime. Elle porte en elle une mélancolie prégnante, que la mer va bientôt engloutir. Au fil des années, Nagisa va devenir elle aussi une ama, courageuse et audacieuse, à la peau tannée par le soleil. Mais la perspective nécessaire de se marier à son tomaé – l’homme qui retient la corde – mettrait un terme à la liberté qu’elle chérie tant. Son désir d’indépendance sera-t-il plus grand que le souffle de la mer ?

Un album beau bleu et sensible. Le bleu de la mer, des blessures profondes, de l’apaisement. La beauté d’une tradition ancestrale, d’une société matriarcale, des dessins cinématographiques lumineux. L’approche sensible du choc des cultures vécu par Nagisa – monde rural/citadin, le bouleversement d’une nouvelle ère – tradition/modernité. Et la poésie qui s’en dégage à chaque page ; les femmes gracieuses et guerrières, l’élégance des plongées, la splendeur des fonds marins et des bords de mer, l’héritage, le sillage, les secrets pesants qui se diluent avec le temps… la vie et ses déferlantes.

ama et le souffle des femmes, bande-dessinée de Franck Manguin et Cécile Becq, éditions Sarbacane, 2020 —