Anna Karénine – Léon Tolstoï

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Anna Karénine, voilà un titre bien trompeur. On présente souvent le livre de Tolstoï comme le roman de l’adultère, en le mettant en parallèle avec Emma Bovary de Flaubert. Bien plus qu’un roman sur l’infidélité d’Anna Karénine, le lecteur voit s’étaler devant lui une véritable fresque dôtée d’un souffle romanesque admirable.

Tolstoï décrit la Russie telle qu’elle lui apparaît en cette fin de 19ème siècle, ainsi se mêlent les paysages immenses et rudes des campagnes où le labeur agricole use bon nombre de paysans, et les villes telles que Moscou et Saint-Petersbourg hauts lieux des mondains où l’apparence et le faste sont de mises. L’auteur insiste entre ces deux entités que sont la ville et la campagne, deux mondes distincts…même si au final, tromperies et désillusions se rejoignent. On assiste alors tour à tour à des scènes de chasse et des scènes de bal, à un riche mariage puis à une misérable agonie, à l’existence précaire des gens qui vivent de la terre et celle cliquante des nobles qui vivent dans le luxe de leurs grandes maisons.

Anna Karénine trompe son mari ; un homme plus âgé qu’elle, haut fonctionnaire, distant, froid, et montrant peu d’intérêt pour leur fils, avec un jeune officier le comte de Vronski. Anna est une femme très séduisante, elle donne l’image de quelqu’un de généreux, d’une mère parfaite, d’une bonne amie. Ce personnage évoluera pourtant psychologiquement au fil de sa liaison ; terriblement jalouse, elle en viendra à négliger ses propres enfants pour ne penser qu’à elle et son amour. Ses tourments guideront ses pas vers la mort, inéluctable.

Une seconde intrigue se déroule parallèlement à celle d’Anna et Vronski ; celle de Lévine et Kitty. Lévine apparaît au lecteur comme une sorte de double de Tolstoï, homme de la terre, propriétaire d’une exploitation agricole et désireux d’améliorer la vie des paysans, humaniste, humble, cultivé, esthète, fuyant les mondanités… en épousant Kitty il se voit confronté à des questions existentielles, il part à la quête du sens de sa vie, de la vérité, de la morale et de la religions.

Je voulais évoquer un chapitre qui m’a bouleversé ; le seul chapitre affublé d’un titre : La mort. Lévine assiste impuissant à l’agonie de son frère. Ce passage est puissant et d’un réalisme incroyable – en faisant quelques recherches, j’ai appris que l’auteur avait perdu son frère – Commence alors les interrogations de Lévine sur la vie et la mort.

Je me rends compte à quel point il est difficile de transcrire des impressions de lecture sur ce roman. Ce que je retiendrais en particulier, c’est l’habileté avec laquelle Tolstoï met en parallèle deux intrigues différentes à travers deux mariages distincts : une vie de famille qui tend vers un idéal avec Lévine et Kitty et une liaison condamnable dans une société perverse et cynique. Et, j’ajouterai qu’Anna et Lévine sont des êtres sensibles profondément avides de liberté et de vérité.

« Et vraiment il émanait de cette femme un charme irrésistible : séduisante était sa robe en sa simplicité ; séduisants, ses beaux bras chargés de bracelets ; séduisant, son cou ferme entouré de perles ; séduisantes, les boucles mutines de sa chevelure quelque peu en désordre ; séduisants, les gestes de ses mains fines, les mouvements de ses jambes nerveuses ; séduisant, son beau visage animé ; mais il y avait dans cette séduction quelque chose de terrible et de cruel. »

« Sans doute il ne pouvait plus estimer cette femme vicieuse, adultère, mais souffrir à cause d’elle, bouleverser sa vie, allons donc ? (…)Il faut qu’elle soit malheureuse ; mais moi qui ne suis pas coupable, je ne dois pas souffrir. »

« Oui, il se meurt, il mourra au printemps. Que puis-je faire pour l’aider ? Que puis-je lui dire ? Que sais-je de tout cela ? J’avais oublié qu’il fallait mourir. »

« La vie conjugale se révélait très différente de ce qu’il avait rêvé. Semblable à un homme qui, ayant admiré la marche calme et régulière d’un bateau sur un lac, voudrait le diriger lui-même, il sentait la différence qu’il existe entre la simple contemplation et l’action : il ne suffisait pas de rester assis sans faux mouvemements, il fallait encore songer à l’eau sous ses pieds, manoeuvrer sans la moindre distraction le gouvernail, soulever d’une main novice les lourdes rames, toutes choses sans doute fort intéressantes, mais en tout cas fort difficiles. »

Anna Karénine, roman de Léon Tolstoï, Folio Classique, Août 2010, première parution 1877 —

8 commentaires sur “Anna Karénine – Léon Tolstoï

  1. Je l’ai dans ma PAL et j’ai hâte de m’y lancer, j’en attends beaucoup mais j’ai vu la série Guerre et Paix que j’avais adoré. La Russie est un pays qui me fascine, son histoire des tsar et de sa population, il y a quelque chose de terriblement poétique quand je pense à la Russie.

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