Le goût de l’été – textes choisis et présentés par Jacques Barozzi

goûtdelétéL’été… un petit mot si intense pour une saison si belle où, la lumière inonde, les senteurs s’épanchent, les étoiles flambent, la chaleur écrase, le vent balaye, les couleurs éclatent, les flots dansent, les corps brunissent, les yeux pétillent, les enfants jouent, les esprits se relâchent, des amours naissent… et puis il y a des étés rudes, secs et salés. Saison inspiratrice, elle est aimée des écrivains et des poètes. Cette anthologie nous emporte dans un voyage baigné de soleil, un astre solaire tour à tour puissant, pénétrant, violent, enivrant, aveuglant… dardant ses rayons de l’Algérie à Manhattan, de Capri à Saint-Tropez en passant par la steppe russe et le Mississippi, durant un été pluvieux, fantôme, mortel, à la plage, dans les blés, en ville… sous les plumes admirables d’Albert Camus, Sébastien Japrisot, Truman Capote, Gustave Flaubert, William Tchekhov, Pier Paolo Pasolini, Françoise Sagan, Patrick Modiano, Arthur Rimbaud, Antoine Blondin, Jean Giono, Colette et bien d’autres.

« Donc, voici, j’écris pour Libération. Je suis sans sujet d’article. Mais peut-être n’est-ce pas nécessaire. Je crois que je vais écrire à propos de la pluie. Il pleut. Depuis le 15 juin il pleut. Il faudrait écrire pour un journal comme on marche dans la rue. On marche, on écrit, on traverse la ville, on est traversé, elle cesse, la marche continue, de même on traverse le temps, une date, une journée et puis elle est traversée, cesse. Il pleut sur la mer. Sur les forêts, la plage vide. Il n’y a pas les parasols même fermés de l’été. (…) L’été n’est pas arrivé. À sa place, ce temps qu’on ne peut pas classer, dont on ne peut pas dire quel il est. Dressé entre les hommes et la nature il est une paroi opaque faite d’eau et de brouillard. Qu’est-ce que c’est encore que cette idée, l’été ? Où est-il tandis qu’il tarde ? Qu’était-il tandis qu’il était là ? De quelle couleur, de quelle chaleur, de quelle illusion, de quel faux-semblant était-il fait ? (…) Dans les rues il y a des gens qui marchent seuls dans le vent, ils sont recouverts de K-Way, leurs yeux sourient, ils se regardent. La nouvelle aux Français en vue d’une année difficile qui vient, de mauvais semestres, de jours maigres et tristes de chômage accru, on ne sait plus quel effort il s’agit, de quelle année pourquoi tout à coup différente, on ne peut plus entendre ce monsieur qui parle pour annoncer qu’il y a du nouveau et qu’il est là avec nous face à l’adversité, on ne peut plus du tout le voir ni l’entendre. Menteurs, tous. Il pleut sur les arbres, sur les troènes en fleurs partout, jusqu’à Southampton, Glasgow, Édimbourg, Dublin, ces mots, pluie et vent froid. »

Marguerite Duras,  L’été 80

« Le mouvement de la mer les avait alanguis, troublants leur équilibre ordinaire, le grand air salin les avait affamés, puis le déjeuner les avait étourdis et la gaîté les avait énervéss. Ils se sentaient maintenant un peu fous avec des envies de courir éperdument dans les champs. Jeanne entendait bourdonner ses oreilles, toute remuée par des sensations nouvelles et rapides. Un soleil dévorant tombait sur eux. Des deux côtés de la route les récoltes mûres se penchaient, pliées sous la chaleur. Les sauterelles s’égosillaient nombreuses comme les brins d’herbe, jetant partout, dans les blés, dans les seigles, dans les joncs marins des côtes, leur cri maigres et assourdissant. Aucune autre voix ne montait sous le ciel torride, d’un bleu miroitant et jauni comme s’il allait tout d’un coup devenir rouge, à la façon des métaux trop rapprochés d’un braisier. »

Guy de Maupassant,  Une vie

« Je me rappelle, la fois où je suis partie dans la nuit. C’était cet été où tout s’est décidé, l’été où les récoltes brûlaient, où les villes brûlaient, où les soldats marchaient dans les rues. Je me souviens, parce que l’air était encore frais dans la nuit, le ciel était rempli d’étoiles. Je voulais voir le ciel, guetter les météores, je voulais entendre les criquets chanter. J’avais de l’électricité dans tout le corps, je ne pouvais pas dormir. J’écoutais le bruit du vent dans les tamaris, le grincement de l’éolienne au bout des champs, j’écoutais le crissement continu des insectes, ça faisait un bruit qui gonflait et décroissait, pareil à la mer. Plus loin, quelque part dans les arbres, la chouette sifflait à intervalles réguliers, comme quelqu’un qui appelle. »

J.M.G Le Clézio, Printemps et autres saisons

Le goût de l’été, anthologie littéraire, textes choisis et présentés par Jacques Barozzi, Collection Le petit Mercure, Éditions Mercure de France, Juin 2016 —

3 commentaires sur “Le goût de l’été – textes choisis et présentés par Jacques Barozzi

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s