Inflorescence – Raluca Antonescu

1911, une femme, le cœur au bord des lèvres, le corps au bord du gouffre. Le Gouffre du diable, en plein Jura. Sa gueule ouverte au vent depuis une éternité… on y jette les animaux malades… après ce sera les obus et autres munitions de la guerre, et plus tard encore le tout ayant macéré, on posera des barricades autour de la cavité, comme s’il était possible d’endiguer la pollution engendrée. Le ventre de cette femme est rond et lourd d’un enfant qu’elle ne peut pas élever… Dans les années 20, Aloïse sera rejetée par son père, qui la hait d’avoir tué sa femme en couche. La forêt la prendra dans son antre, bienveillante et nourricière, puis la petite se blottira dans les bras de l’extravagante Mademoiselle Suzie et ensemble elles construiront un grand beau et bon jardin. 1967, Amalia s’installera tout sourire dans un lotissement neuf aseptisé et froid loin de la ferme de son enfance, de ses odeurs pestilentielles de ses affreux animaux de ses horribles insectes de la terre chaude et salissante. 2007, Vivian affrontera avec difficulté la mort de sa mère, une rupture amoureuse, un travail qui l’insupporte quand son beau-père lui fera des confidences et brisera un secret tout en jardinant. 2008, Catherine tout à sa quête en Patagonie, celle qu’elle avait commencée avec son amour aujourd’hui disparu, de reboiser des forêts brûlées, sentira en elle monter la culpabilité – un manque écrasant.

Inflorescence. Sur la même tige, plusieurs fleurs. Plusieurs femmes. Des racines identiques, des cœurs qui battent fort, les unes pour les autres. Toutes reliées, au-delà des générations. Des femmes cueillies par la vie, sa clameur, son agitation, ses barrières, ses contraintes… Des vies effeuillées entaillées façonnées apprivoisées… Des empreintes du passé, des territoires conquis des traumatismes compris des moments charnières des directions à prendre des libertés retrouvées malgré l’équilibre instable – en bordure du gouffre, toujours -. Et le végétal implanté dans chacune d’elles. La nature tour à tour sauvage fragile survivante forte domestiquée malmenée, rayonnante belle et courageuse, qui se déploie transmet répare calme console, et donne du sens. Un roman d’une grande puissance.

Durant cette année, nous égrènons les mois avec à chaque fois un thème choisi par l’une et l’autre alternativement. Le thème de mai était Courage. Nous devions chroniquer en secret un livre s’y rapportant. Et délicieusement le découvrir ensemble aujourd’hui! Voici la chronique de Nadine

Le thème de juillet sera : roman policier

Inflorescence, roman de Raluca Antonescu, éditions La Baconnière, janvier 2021 —

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3 commentaires sur “Inflorescence – Raluca Antonescu

  1. Plusieurs fleurs, plusieurs femmes, fleurs de femmes fortes et courageuses. Je ressens déjà la puissance des mots, des pages, de ces histoires, à travers ta plume jolie de femme magnifique. Seigneur qu’il semble beau ce livre. De l’or enraciné…
    Un plaisir renouvelé chaque mois
    Je t’embrasse fort ma Nadège

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