Une barque. À son bord, un homme. Une corde qu’on lance. La mer, les oiseaux, le silence, l’attente… Sous la surface lisse, une femme, presque nue. En mouvement, en apnée. La descente… Puis l’ascension. Là voilà – jaillissante – qui perce le miroir de l’eau. Un ormeau dans une main, la corde dans l’autre. Nous sommes en 1962, au large d’Hégura, une île japonaise. Isoé est une ama, une femme de la mer dont la tradition de pêche, exclusivement féminine, est séculaire. Les amas sont fortes fières sauvages et respectées. Par filiation, elles se transmettent l’enseignement de ce souffle puissant.
Ce jour-là, Isoé reçoit chez elle sa nièce venue de Tokyo, Nagisa, qu’elle n’a jamais vue. Sa sœur ayant quitté l’île précipitamment vingt ans auparavant, aux bras de celui qui sera le père de Nagisa. Abandonnant Isoé, désormais seule ama de la famille et pleine de rancunes. La jeune femme, réservée et pudique, à la peau douce et laiteuse, a fui la ville, lieu d’un drame intime. Elle porte en elle une mélancolie prégnante, que la mer va bientôt engloutir. Au fil des années, Nagisa va devenir elle aussi une ama, courageuse et audacieuse, à la peau tannée par le soleil. Mais la perspective nécessaire de se marier à son tomaé – l’homme qui retient la corde – mettrait un terme à la liberté qu’elle chérie tant. Son désir d’indépendance sera-t-il plus grand que le souffle de la mer ?
Un album beau bleu et sensible. Le bleu de la mer, des blessures profondes, de l’apaisement. La beauté d’une tradition ancestrale, d’une société matriarcale, des dessins cinématographiques lumineux. L’approche sensible du choc des cultures vécu par Nagisa – monde rural/citadin, le bouleversement d’une nouvelle ère – tradition/modernité. Et la poésie qui s’en dégage à chaque page ; les femmes gracieuses et guerrières, l’élégance des plongées, la splendeur des fonds marins et des bords de mer, l’héritage, le sillage, les secrets pesants qui se diluent avec le temps… la vie et ses déferlantes.





— ama et le souffle des femmes, bande-dessinée de Franck Manguin et Cécile Becq, éditions Sarbacane, 2020 —
ça a l’air très beau!
J’ai beaucoup aimé ! Et pourtant la couverture ne m’attirait pas plus que ça…
J’aime beaucoup la couverture et les illustrations de cette BD 🙂🌞