Sweet sixteen – Annelise Heurtier

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Grace Anderson et Molly Costello ont quinze en 1957. Elles vivent en Arkansas, à Little Rock. D’ici la fin de l’année scolaire, elles fêteront leur « Sweet sixteen », leur seize ans sucré, un jour emblématique aux Etats-unis qui marque le passage de la jeune fille à la femme. Mais, cette fête ne résonne pas à l’identique pour ces deux adolescentes.

Grace est issue d’une famille aisée aux valeurs conservatrices profondément ancrées. Blonde, la peau laiteuse, coquette, insouciante, l’air détaché, elle aime la musique, les beaux vêtements, les garçons…

D’origine modeste, Molly habite avec sa mère et sa grand-mère. Molly a la peau noire. Discrète mais terriblement lucide sur sa condition et celle de toute sa communauté, elle n’hésite pas une seconde à lever haut son bras un jour de mai 1954 lorsque son professeur demande à la classe si quelqu’un serait prêt à se porter volontaire…

Le 17 Mai 1954, la cour suprême des Etats-unis rend inconstitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles publiques en signant l’arrêt « Brown versus Board of Education ». Molly accepte, comme huit autres élèves noirs, de faire sa rentrée scolaire au lycée de Little Rock en 1957 parmi deux mille cinq cent élèves blancs.

À partir de faits réels, Annelise Heurtier décrit cette année scolaire en alternant le récit de Grace et celui de Molly. La haine se répand avec force sur le lycée et la ville entière. Les blancs se liguent en majorité contre l’intégration de ces neufs adolescents noirs, en les intimidant et en les humiliant.

Malgré la violence générée, Molly, tel un roseau, ne romp pas. Avec une détermination à toutes épreuves, elle encaisse tout. Parce qu’elle est persuadée que c’est possible, qu’il faut y croire. Alors, elle endure tout, elle se construit une carapace. Même ses amies, ses voisins ne comprennent pas sa ténacité. Cette « expérience » crée le vide autour d’elle. Molly se retrouve seule dans cette bataille.

Quant à Grace, c’est elle qui s’éloigne de ses amies, de leurs convictions. Sa vision des choses évolue au fil du récit. Sa légèreté s’estompe. Progressivement, elle prend conscience de ce qui est en train de se jouer.

Deux jeunes femmes du même âge. Deux mondes différents. Un rapprochement. De l’espoir.

L’auteure a réussi à évoquer une page de l’histoire américaine avec réalisme, pudeur et sensibilité. Un roman émouvant mais pas larmoyant qui parle d’humains confrontés au racisme, à l’ignorance et à la haine.

« Le merle s’envola du banc de ferraille, et Molly reprit son chemin, songeuse. Elle avait beau avoir grandi dans ce quotidien-là, elle était tout à fait consciente de l’iniquité de la situation. La vie des Noirs semblait être faite d’un ingénieux assemblage d’injustices courantes, ne visant qu’à une chose : les maintenir en place, c’est-à-dire sous les semelles du vent des Blancs. « Séparés mais égaux » promettait glorieusement la loi depuis quatre-vings ans. »

« Sous la douche, tandis qu’elle regardait la mousse disparaître dans la grille de fond, elle avait décidé qu’elle essayerait de rester détachée. Etre le plus factuel possible. Ne rien dire de sa surprise , de sa déception… du malaise qui avait grignoté son ventre, petit à petit, de la sensation de rejet si brutal qu’elle avait ressentie, qui lui avait fait si mal. »

Sweet Sixteen, roman pour adolescents (à partir de 12 ans) d’Annelise Heurtier, Casterman, Avril 2013–

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