Si tu avances – Cathy Ytak

C’est l’été et Katja, seize ans, est heureuse. Elle a convaincu ses parents de s’envoler seule pour le sud de la France, en Provence, rejoindre un chantier de jeunes gens. Pour les aider bénévolement à la reconstruction de murets en pierres sèches. Ce n’est évidemment pas cette réhabilitation qui l’excite tant ; là-bas, elle retrouvera Quentin, le fils du patron de son maçon de père. Katja est complètement sous le charme de ce garçon. Amoureuse, elle qui d’habitude manque d’assurance, se sent belle légère et joyeuse. Seulement, l’histoire qu’elle s’est racontée est à mille lieues de la réalité. Quentin n’éprouve aucun sentiment pour la jeune fille et ne se gêne pas de mettre les choses au point, non sans violence. Complètement déstabilisée par ses mots durs et percutants, Katja bascule dans le vide. Son existence, d’un coup, s’assombrit. Ses émotions font volte-face. Sans nuance. Un voile de chagrin, de tristesse, de colère et de souffrance mêlés l’enveloppe. Seule, sans force, brisée, une pulsion de mort surgit. La mort est la solution qui s’impose, glaciale, inexorable. Il lui faut fuir vers elle pour s’extirper de ce mal-être dévorant obsédant… L’issue pourtant ne sera pas fatale. La pulsion de vie sera plus puissante. Elle la portera grâce aux gestes aux mots aux histoires aux expériences de personnes plus âgées du chantier. Ce petit roman de Cathy Ytak est d’une grande justesse. Un texte à l’os qui décrit parfaitement l’exacerbation la fragilité et la complexité des sentiments à l’adolescence, le passage si tourmenté vers le monde des adultes, l’infiltration et l’imprégnation des illusions fantasmes et obsessions, et le choc face au réel. Un voyage pour construire des murs qui fait finalement grandir, et mûrir Katja. Qui tentera d’avancer vers la lumière, l’apaisement, le solide, le beau, même si le chemin de vie, on le sait, n’est jamais droit.

« Elle se concentre sur le but de son voyage : Quentin. Quentin qui se rapproche à chaque lacet, chaque mètre gagné sur l’altitude, dans ce paysage à la fois âpre et grandiose, pétrifié de soleil. Quand soudain se forme dans son cerveau LA question qu’elle ne s’était jamais posée. Est-ce que Quentin l’attend, elle? »

« Elle marche droit devant elle d’un pas décidé, ne sent plus la fatigue, ne sent plus rien d’autre que cette fuite en avant qui la stimule et la tétanise en même temps. Ce qui se passe alors dans son cerveau échappe à toute logique. Une idée a jailli de nulle part et s’impose, terrassant toute possibilité de réflexion rationnelle : tout arrêter, en finir, mourir. Et là, d’un coup, tout se ferme en elle, comme on claque précipitamment les volets d’une maison avant l’orage. La lumière s’éteint dans son cerveau. Dans sa poitrine tout se disloque. Son corps donne des ordres qu’elle ne comprend plus. Déserté par la vie, il se mue par réflexe comme s’il cherchait la meilleure façon de s’anéantir au-delà de la douleur. »

Durant cette année, nous égrènerons les mois avec à chaque fois un thème choisi par l’une et l’autre alternativement. Le thème d’avril était Voyage. Nous devions chroniquer en secret un livre s’y rapportant. Et délicieusement le découvrir ensemble aujourd’hui! Voici les chroniques de Nadine et Bison

Le thème d’avril sera : Conte ou légende

Si tu avances, roman jeunesse de Cathy Ytak, dès 15 ans, collection Court Toujours, éditions Nathan, février 2021 —

6 commentaires sur “Si tu avances – Cathy Ytak

  1. Sujet essentiel, le premier amour, comment gérer ce torrent d’émotions qui nous assaille ? Le suicide abordé aussi à cet âge où l’on se sent à la fois si fort et si fragile selon les moments. Tes mots, choisis avec délicatesse, pertinence. Un plaisir de te lire Nadège.

  2. Basculer dans le vide, tête première et se rompre le visage sur le bitume de la vie.
    Un passage cruel mais nécessaire pour apprendre à grandir…
    Que j’aime chaque fois retrouver tes mots ma Nadège ❤
    Je t'embrasse, bon weekend xx

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