Mentir aux étoiles – Alexandre Chardin

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Cette année c’est décidé ; Léon ne veut pas d’auxiliaire de vie à ses côtés. Il entre au collège, il a onze ans, il a besoin d’affronter les choses seul. Même s’il appréhende beaucoup, il sait qu’il est temps de s’envoler, de se libérer. S’éloigner de sa mère qui le couve tellement. Grandir, tout simplement. Comme tous les enfants de son âge. Petit, Léon a eu de graves problèmes cardiaques, ses parents ont eu très peur pour lui et puis il a toujours été différent, Léon… inquiet, distrait, rêveur. Souvent il a des absences, des passages à vide. Il déconnecte, se coupe du monde, a la tête dans les étoiles ou les yeux rivés au sol observant le travail des fourmis.

Cette année, il entre donc dans la cour des grands. Mais, ce n’est pas facile de grandir, surtout lorsqu’on n’est pas comme les autres… Léon entend les murmures et les moqueries, voit les sourires en coin et les imitations… Heureusement, Salomé est là, lumineuse et sûre d’elle, avec son rouge à lèvres éclatant ses longs cheveux bruns ses grands yeux verts et ses vêtements moulant ses formes généreuses. Elle est en troisième et avec ses airs de pirate, elle n’a peur de rien ni de personne.

Grâce à Salomé, Léon prend peu à peu confiance en lui et ose se rebeller. Il résiste aux grands qui l’importunent, il éconduit sa mère… mais cela lui demande beaucoup d’énergie et de concentration, et puis il se sent toujours différent et triste. Il est tellement dans sa bulle fragile et brumeuse qu’il ne voit pas Marguerite, une jeune fille douce et bienveillante…

Un roman qui aborde la différence, la confiance en soi et l’émancipation en mêlant judicieusement réalité fantastique et poésie.

« Ils sont très grands. Que dis-je? Immenses! Avec des voix fortes, des rires à faire s’envoler des corbeaux, des coupes de cheveux comme dans les magazines et des gros mots plein la bouche. Quand ils ont envahi la cour en riant comme des ogres mutants, je suis allé me cacher derrière le tronc du tilleul pour les observer en sécurité. On ne voit plus qu’eux. Les troisièmes ! »

« – (…) Des fois, je suis quelque part et …tout à coup, je sais plus où je suis. Je suis perdu. En classe, chez moi, ou dans la rue. Ça me fait peur. Ça énerve les professeurs, mais je fais pas exprès. C’est des absences. Ça s’appelle des absences. Mon cerveau se trouble, comme l’eau d’une rivière quand il pleut. Maman me l’a dit, et la psychologue. Je suis dans mon monde, pour me rassurer. C’est quand j’ai peur. Et… j’ai souvent peur. J’arrive pas à être comme les autres. »

« – Arrête d’avoir peur pour moi. Je veux grandir. Je peux grandir. Mais pas quand tu me traites comme un bébé. (…) – Je veux avoir mes secrets, maman. Tu peux pas tout le temps être dans ma tête. »

« – Tu as mal du côté de ta maman, hein? – Oui, j’ai mal à ma mère. – À ton âge, c’est une maladie courante et elle a commencé à se répandre… depuis le début de l’humanité, je crois. »

Mentir aux étoiles, roman d’Alexandre Chardin, dès 12 ans, Casterman, mars 2018 —

16 commentaires sur “Mentir aux étoiles – Alexandre Chardin

  1. Tu en parles tellement bien Nadège. Le sujet de la différence me touche beaucoup depuis toujours. L’école peut rendre malheureux quand on est pas tout à fait dans le moule, le cadre.. Un livre que je pourrais bientôt offrir à Chloé qui est encore un peu jeune (elle va avoir 7 ans en juillet) mais qui a une telle sensibilité. Je suis un grand sensible moi même. Passe un excellent weekend et merci encore pour tous ces beaux partages, Bises d’une Bretagne ensoleillée 🙂

    1. Comme toi, je suis très sensible à ce sujet. Je me suis moi-même toujours sentie « différente »… Ce roman est très beau, il parle de la différence avec délicatesse et poésie avec une incursion dans le fantastique, sans enlever le réalisme pour autant. C’est fort. Bises.

      1. Je comprends tout à fait cela. Je ne me sentais pas forcément à mon aise à l’école. Trop sensible sans doute. La différence c’est une thématique essentielle qu’il faut aborder dès le plus jeune âge avec délicatesse. Tu vois, je n’ai pas souvenir de m’être vu me moquer de quelqu’un qui était « gros », « maigre », « petit », « grand ».. mes parents m’ont inculqués des valeurs de tolérance. Des valeurs que je transmets aujourd’hui à mes nièces. Passe une excellente soirée Nadège, Bises bretonnes 🙂

  2. J’ai trouvé que c’était un bon roman, le personnage de Léon est effectivement attachant, mais pour moi, ce n’est pas un roman jeunesse. Je trouve que c’est le parfait exemple de roman écrit par des adultes qui prêtent à des enfants des mots, des pensées, des réflexions qui ne sont pas les leurs, une sorte d’adultomorphisme qui, à mon avis, ne sonne pas tout à fait juste. J’ai beaucoup aimé le personnage de Léon, sa relation avec ses parents, la mère est un personnage très intéressant, mais ce côté de l’histoire me paraît intéresser plutôt un public d’ado/adultes, par rapport à l’intérêt porté aux relations familiales etc . Le personnage de Salomé est par exemple, pour moi, complètement raté. Sa façon de parler, ses interventions, tout tombe un peu à plat et fait qu’on devine assez rapidement, quand on est un lecteur adulte, ce qu’il se passe, et quand on est un enfant et bien, je me pose la question de l’intérêt de ce suspens : comment, quand on a 9/10 ans, se positionne t-on par rapport à cette idée du suicide et de la réapparition dans la tête de Léon ? Pourquoi, comment ? l’idée n’est pas mauvaise en soit, mais reste trop en surface, entre deux eaux. La fin aussi, ne m’a pas convaincue dans le cadre d’une lecture jeunesse, ça tombe trop comme un cheval dans la soupe. Pour un roman adulte, pourquoi pas, l’adulte va relier les choses d’une certaine façon, mais un enfant ? Je ne sais pas… Est-ce que vous avez eu des retours d’enfants justement ?

    1. J’ai lu et chroniqué ce roman avant que ma fille (9 ans justement) le lise. Elle n’en a lu que quelques pages, m’a dit qu’elle ne comprenait pas (le personnage de Salomé notamment)votre avis est très juste en effet, ce roman aborde la différence avec sensibilité et intelligence mais le public visé ne correspond pas. Il faut avoir une douzaine d’années pour appréhender l’imaginaire de Léon et l’interpréter. Merci de votre commentaire avisé.

      1. Je pense qu’une partie de la littérature jeunesse est en fait une littérature destinée d’abord aux prescripteurs : bibliothécaires, instit, profs, parents etc… du coup, c’est pas toujours toujours adapté… je ne pense pas que cette façon de faire n’ai que des mauvais côtés, ça permet aussi de garder un certain éclectisme et une certaine « qualité » (là tout de suite, c’est pas tout à fait ce que je veux dire, mais je trouve pas d’autre mots), mais du coup, des fois, on a vraiment des romans qui tombent totalement à côté.

      2. Ce qui est sûr, c’est que les âges prescrits par la maison d’édition ne sont pas toujours pertinents, et deux enfants du même âge n’ont pas la même maturité, les mêmes armes…

  3. et je suis bien contente d’avoir l’avis d’un enfant ! moi qui ne travaille qu’avec des bibliothécaires, je suis prescriptrice de prescripteurs, et je finis par n’avoir plus aucune idée de ce que pensent les lecteurs !

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