Fil de Fer – Martine Pouchain

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Gabrielle  a tout juste quinze ans lorsque la seconde Guerre mondiale éclate. Longiligne, elle est surnommée Fil de Fer par son père, un fermier rescapé de la Grande Guerre. Sa famille – elle a trois sœurs – vivent dans un petit village de la Somme, Mesnil-en-Arrouaise. Vive rêveuse et enjouée, elle est de ceux qui voient toujours le verre à moitié plein.

En Juin 1940, les avions allemands volent de plus en plus bas et envoient régulièrement des rafales sur les habitations alentour. Un jour, une maison du village est visée… et détruite en quelques secondes. Gabrielle et sa famille n’ont plus  le choix. Comme des centaines de milliers de gens il leur faut fuir, abandonner le foyer pour survivre. Laisser leur maison, leurs meubles, leurs souvenirs, leurs animaux, leurs champs. Ils décident d’aller jusqu’en Bretagne, chez une amie. La route est longue et dangereuse, violente et funeste. La chaleur est écrasante, l’angoisse oppressante. Tous redoutent les mitraillages des Stukas. Des familles entières sont blessées, tuées et laissées à même le sol pendant que d’autres familles poursuivent leur chemin la peur au ventre et l’infime espoir de sortir indemne de cet exode effroyable.

Gabrielle va faire la connaissance de Gaétan, un garçon de son âge, au charme envoûtant  et pénétrant. Sa famille a péri sous le feu des rafales. C’est un miracle qu’il soit là. En peu de temps, un sentiment amoureux naît chez elle, une émotion pure et délicate qui la transporte et dépose un voile sur un quotidien pesant. Quand elle est avec lui, la nature autour reprend ses droits, le cœur se fait léger, les yeux lumineux, les rêves envahissent ses pensées. Gaétan reste distant, réservé mais il apparaît toujours quand elle a besoin de le voir ( Gabrielle reste discrète sur cette histoire vis-à-vis de ses parents, elle rejoint donc le garçon à l’abri des regards).

Martine Pouchain évoque l’exode de juin 1940, ses difficultés, ses confusions et ses traumatismes avec authenticité et sensibilité. Le personnage de Gabrielle est fort, attachant et touchant, les faits de guerre ne sont pas édulcorés, l’amour se révèle être une pirouette vaporeuse, une esquive merveilleuse, quant aux mots de Rimbaud et de Giono déposés ici et là par l’auteure, ils se mêlent et se répondent magnifiquement.

« Peu à peu, j’ai compris que plus le danger est grand, moins on a peur. J’ai compris que tous ces morts inutiles qu’on déplorait le long du chemin nous rendaient plus forts. Leur survivre nous rendait plus forts. »

« – Mais… y a un type qui s’appelle Giono, qui dit que la guerre « c’est inutile. Inutile pour moi. Inutile pour le camarade qui est avec moi sur la ligne de tirailleurs. Inutile pour le camarade en face ». Alors, papa, la guerre, au bout du compte, si c’est inutile pour tous ces gens-là, à quoi ça nous sert, à nous? »

 » Je contemplais les petits nuages paresseux suspendus dans l’azur. Plus rien d’autre n’existait, il n’y avait plus que l’herbe, nous et le ciel. L’éternité. Je pouvais rester comme ça des heures, sans bouger, jusqu’à ce qu’on m’appelle avec une insistance telle que je ne pouvais plus différer. J’abandonnais à regret mon amoureux clandestin. Mais j’emportais avec moi son sourire, l’odeur épicée des fleurs sauvages, le bourdonnement des abeilles, la valse de deux papillons bleus. »

« À quoi ressemblait un ennemi de près? Quels visages avaient-il, ces monstres, ces violeurs, ces tueurs d’innocentes victimes? Figurez-vous qu’ils ressemblaient terriblement à des hommes. »

« La vérité, c’est que je ne voulais tuer personne, jamais, ni un Allemand, ni qui que ce soit d’autre. Je refusais d’ôter la vie, quel que ce soit l’affront subi. L’œil pour œil n’avait jamais fait partie de ma philosophie.  « Je préfère vivre. Je préfère vivre et tuer la guerre (…) Je préfère m’occuper de mon propre bonheur? » « (Refus d’obéissance de Jean Giono)

Fil de Fer, roman de Martine Pouchain, dès 12 ans, Flammarion Jeunesse, Janvier 2018 —

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