Le Petit Chaperon rouge – Charles Perrault, Jacob et Wilhelm Grimm et Joanna Concejo

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L’histoire du Petit Chaperon rouge tient une place particulière dans ma mémoire et dans mon coeur puisqu’elle renvoie à un souvenir d’enfance très précis. Mon arrière-grand-mère, qui s’appelait Léonarde, me la racontait oralement, je devais avoir quatre ou cinq ans, elle en avait plus de quatre-vingt-dix… petite mémé toute ratatinée, une robe sombre, des bas gris et un gilet en laine mauve par-dessus, les cheveux tout blanc remontés en chignon et des mains très longues et ridées qui gesticulaient dans l’air quand elle me contait l’histoire. Je ne me souviens plus de sa voix mais je sais qu’elle prenait soin de mettre le ton. Elle ne voyait presque plus, elle entendait très mal, elle passait ses journées assise près de la fenêtre de la cuisine juste à côté du poêle. Cette histoire, elle me la racontait très souvent (elle n’en connaissait pas d’autres me disait-elle) et à chaque fois, le plaisir était le même.

C’est donc avec une certaine émotion que j’ai lu cet album composé des deux premières versions retranscrites  de ce conte – de tradition orale -, tant et tant remanié au cours des siècles suivants. Dans la version de Charles Perrault, publiée en 1698 (celle que me racontait mon arrière-grand-mère), le Petit Chaperon se met en chemin, avec un panier sous le bras contenant une galette et un petit pot de beurre, qu’elle doit apporter à sa grand-mère qui habite de l’autre côté de la forêt. Sur la route, elle rencontre le loup avec qui elle bavarde. La fillette, innocemment lui dit où elle se rend… Chacun prend un chemin différent, le plus court pour Compère Loup qui compte bien dévorer l’aïeule avant de se régaler de la petite fille, et cette dernière empruntant le chemin le plus long ramassant noisettes et fleurs et regardant voler les papillons. Le loup ayant mangé la grand-mère prend sa place dans le lit et attend patiemment le Petit Chaperon rouge qui se fera dévorer à son tour, sans ménagement. Chez Perrault, le loup est victorieux et la petite fille beaucoup trop naïve et désobéissante. Sa mère l’avait pourtant prévenue de ne pas s’écarter du chemin… En revanche, dans la version des frères Grimm,  publiée plus tard, il en va autrement : un chasseur sauve la grand-mère et la fillette en ouvrant le ventre du loup.

Quant à Joanna Concejo, à travers ses sublimes crayonnés rouges et gris, elle en fait une toute autre lecture, plus ambigüe. On voit le Petit Chaperon rouge et le loup jouer ensemble. Un jeu de complicité voire de séduction se met en place… on ne sait pas très bien qui domine l’autre. Le ruban rouge qui tient la coiffure de la fillette se détache, créant un lien équivoque entre les deux personnages au fil de l’album… une relecture qui rappelle les observations de Bruno Bettelheim dans son célèbre ouvrage, La psychanalyse des contes de fées (liens oedipiens, puberté, sexualité, délivrance, renaissance, passage de la petite à la jeune fille…).

Un album à lire et à relire et à garder précieusement.

« Le Petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa Mère-grand était faite en son déshabillé.

Elle lui dit : « Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !

– C’est pour mieux t’embrasser ma fille.

Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !

– C’est pour mieux courir, mon enfant.

Ma mère-grand ; que vous avez de grandes oreilles !

– C’est pour mieux écouter, mon enfant.

Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !

– C’est pour mieux voir, mon enfant.

Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !

– C’est pour mieux te manger. »

Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le Petit Chaperon rouge, et le mangea. » (Ch. Perrault)

« Le Petit Chaperon rouge ramassa vite de grosses pierres, et ils en remplirent le ventre du loup. Quand le compère s’éveilla, il voulut sauter à bas du lit ; mais les pierres étaient si lourdes qu’aussitôt il retomba : il était mort. 

Tous trois étaient contents ; le chasseur prit la peau du loup et l’emporta ; la mère-grand mangea le gâteau et but le vin que le Petit Chaperon rouge avait apportés, et retrouva ses forces ; mais le Petit Chaperon rouge se dit : «  De ta vie tu ne t’écarteras plus de ta route pour courir dans le bois, quand ta mère te l’aura défendu. » » (J. et W. Grimm)

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Autre album lu de Joanna Concejo : Un pas à la fois (Nicole Blanche Mezzadonna à l’écriture)

Livre reçu en Service de Presse

Le Petit Chaperon rouge, album jeunesse écrit par Charles Perrault, Jacob et Wilhelm Grimm, illustré par Joanna Concejo, Editions Notari, Février 2015 —

6 commentaires sur “Le Petit Chaperon rouge – Charles Perrault, Jacob et Wilhelm Grimm et Joanna Concejo

  1. Le conte préféré de mon enfance (disons le premier conte, après il y a eu la petite sirène qui l’a détrôné) et je pense que j’ai gardé en mémoire un mix des deux (Perrault mais la fin des frères Grimm) pour que ce conte soit supportable ! La fin de Perrault m’a toujours terrorisée ! 😉 Cet album me semble « spécial »…

    1. Le Petit Chaperon rouge est la première histoire que l’on m’a racontée, quant à la seconde, c’était Roule galette… et je suis d’accord avec toi, la fin de ce conte est effrayant mais je crois que j’aimais ça, avoir un peu peur! Les illustrations de l’album de Joanna Concejo sont très « contemporaines »…

  2. Un joli souvenir…
    Moi, je me souviens que c’est la version de Perrault qu’on me lisait gamin. Je crois qu’il me plairait bien ce livre…

  3. Trop belles ces images et ces rouges qui ressortent de la page, comme pour mieux nous atteindre.
    Idem pour moi pour la version de Perrault. Que de beaux souvenirs…
    Je t’embrasse fort fort

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