Karen et moi – Nathalie Skowronek

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Quelle jolie découverte… la lecture de ce petit livre a été pour moi une promenade agréable et inspirante. Sur-le-champ, j’ai éprouvé de l’empathie pour la narratrice (qui en ressent elle-même pour Karen Blixen). Cette mise en abyme m’a confrontée ainsi à mon histoire, à mon enfance, à mon sentiment d’être différente des autres, et à la terrible sensation d’être en dehors…

D’emblée, la narratrice nous fait part de sa passion de lectrice émerveillée et assidue – L’appel de la forêt, Une saison en enfer, Le lion…- livres qui ont jalonnés son enfance et sont devenus ses repères, des traces indélébiles qui ont marquées des périodes-clés de sa vie, qui l’ont fait grandir (qui ont peut-être aussi contribués à son isolement).

Et puis il y a son admiration, sa vénération pour Karen Blixen, auteure de La ferme africaine, ouvrage qu’elle a lu très jeune. Plus qu’à l’histoire, elle s’est attachée à la personne qui se cache derrière les mots. Elle semble se reconnaître en elle, penser comme elle, vivre comme elle, aimer comme elle… telle une sœur.

Elle cherche alors à la connaître davantage, se renseigne sur l’existence romanesque de Karen Blixen. Elle tente d’ ébaucher une biographie, mais on ne peut pas l’appeler telle quelle, il s’agit plutôt d’une alternance d’ événements de son histoire et de petites perceptions intérieures. La narratrice observe très vite une résonnance entre leurs deux vies et les met naturellement en parallèle.

A mesure qu’elle définie les contours de Karen, son environnement, son enfance, ses relations familiales, ses amours, ses joies, ses peines, se dessinent des sensations familières, des sentiments semblables ( peut-être se les figurent-elles?).

Quoi qu’il en soit, ces similitudes lui permettent de répondre à certaines interrogations concernant des épisodes de son enfance, les rapports entretenus avec sa mère, sa solitude, son impression tenace de ne pas être comme les autres, le sentiment étrange de ne pas avoir de place…

Finalement, l’histoire de Karen Blixen devient un prétexte à la quête de la narratrice, une manière d’y voir plus clair dans sa propre existence. Là est posée une des questions du livre : l’écriture a-elle le pouvoir de sauver, d’aller au-delà de la surface des choses, de faire éclore toutes les choses enfouies qui nous encombrent tant ? Et la lecture, peut-elle également agir sur le devenir de notre être, favoriser une évolution de notre pensée, modifier nos habitudes, nous rendre plus habile à appréhender le monde ?

« J’ai découvert Karen Blixen, sous une tente, au Kenya, j’avais onze ans, je voyageais avec mon frère et mes parents. A la lumière d’une lampe de poche, je lisais La ferme africaine et elle était moi et moi j’étais elle. »

« L’âme de Karen est un yoyo. Elle s’enroule, se déroule, monte et redescend. Ca l’épuise, ça l’éreinte, c’est plus fort qu’elle. Ses joies débordent et sont communicatives, elle est l’énergie, elle est le feu ; ses colères explosent et atteignent quiconque s’y frotte, les murs tremblent, les yeux se font assassins. »

« Je le porte en moi, ce livre que je voudrais écrire. Je voudrais raconter la vie de Karen Blixen. Cette femme me parle. Karen est ma sœur, son chemin est le mien. Je voudrais dire ses désirs, ses épreuves, son besoin d’exister. Tracer les contours de ce qui l’amène à créer. J’ai l’impression qu’en parlant d’elle j’arriverai à parler de moi. Je suis lasse, lasse de mentir. Et, comme Karen, j’ai l’espoir que l’écriture pourra me sauver. »

Karen et moi, roman de Nathalie Skowronek, Arléa, Août 2011 —

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