Grand angle – Simone Somekh

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À quinze ans, Ezra est passionné par la photographie. Tant et si bien qu’il n’hésite pas à enfreindre les règles de son lycée, la Yeshiva High School, en photographiant la sœur d’un ami à l’étage des garçons, dans les toilettes. Le cliché est sublime, Ezra a du talent. Mais dans sa communauté juive ultra-orthodoxe, regarder une fille dans les yeux est proscrit. Le jeune homme, élève brillant et curieux, vif et sensible, est immédiatement renvoyé. Ses parents sont contrariés de l’impertinence de leur fils unique. Davantage soucieux des codes de leur religion plutôt que du bien-être d’Ezra. Grâce à sa tante, bienveillante, il va terminer sa scolarité dans une école juive plus ouverte sur le monde. Et il avait tant besoin de cette échappée. Cette communauté l’oppressait. Respirer enfin, se sentir libre, élargir son horizon, sortir de cet endroit confiné où smartphone internet mixité étaient interdits. À la maison, ses parents ont accueilli Carmi, un garçon de son âge, orphelin de mère. Ezra et lui deviennent amis. Mais lorsque la communauté apprend que Carmi est homosexuel, ce dernier est banni. Pour Ezra, c’est insupportable. Ce milieu l’exècre au plus au point. Il part. Loin de la communauté, loin de ses parents. Il fuit ce fanatisme qu’il a enduré toute son enfance et son adolescence. Il devient photographe de mode à New York. Un univers à mille lieues de tout ce qu’il connaît. Il ouvre grand les yeux sur ce nouveau monde – tour à tour beau, surprenant, fascinant, illusoire, angoissant, individualiste – sans jamais renier sa religion. Une religion qu’il sent palpiter à l’intérieur de lui sans la saisir pourtant. Et c’est lors d’un voyage professionnel à Barhein dans le golfe persique qu’il éprouvera le besoin de s’en rapprocher. Aller en Israël pour la comprendre enfin, et se retrouver soi-même.

Un premier roman d’une grande intelligence. Un auteur à suivre, assurément.

« La vérité, c’est qu’en ce moment on est tous les deux bloqués ici et on a l’impression que ça va durer toute la vie. Mais il suffit d’attendre quelques années, d’avoir de la patience, et les choses vont s’améliorer. Aujourd’hui nous sommes assujettis à nos parents, mais plus les années passent, plus leur rôle devient secondaire. Un jour je serai indépendant, puis toi aussi, et tout cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir. C’est toujours ce que je me dis. En fin de compte, l’important n’est pas d’être différent des autres, c’est d’être égal à soi-même. »

« La communauté parlait de lui sans en parler. Elle savait sans savoir, voyait sans voir, commentait sans commenter, jugeait sans juger. Personne ne disait rien, mais tout le monde était au courant. Je restais seul avec moi-même, concentré sur ma vie. J’évaluais tout ce que j’affrontais à travers un filtre utilitariste, pour chaque personne que je croisais je me demandais si elle pouvait me servir ou me nuire, chaque pas que j’accomplissais était une étape de plus vers une nouvelle vie. »

«  »Vous étiez tellement préoccupés de faire correspondre tous les morceaux que vous avez perdu de vue les plus importants. Vous vouliez une communauté et vous avez oublié les hommes. Parfois, je me dis que vous avez regardé la réalité à travers un grand angle : au lieu d’élargir votre horizon, vous vous êtes donné une vision déformés des objets qui étaient au premier plan. » »

Grand angle, premier roman de Simone Somekh, traduit de l’italien par Léa Drouet, Mercure de France, janvier 2019 —

2 commentaires sur “Grand angle – Simone Somekh

  1. J’aime beaucoup les livres ou les films qui se passent dans la communauté juive ultra-orthodoxe. J’ai vu deux films ces dernières années qui m’ont bouleversé : « Félix et Meira » réalisé par Maxime Giroux. Une merveille. Et « Désobéissance » un film réalisé par Sebastián Lelio. Tu les as vu Nadège ? Je pense qu’il te plairais beaucoup. Merci pour ce beau retour. Bises bretonnes ensoleillées 😊

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