Annabelle – Marie Laberge

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D’aussi loin qu’elle se souvienne, Annabelle 13 ans, a toujours baignée dans la musique. Enfant prodige, pianiste virtuose, épaulée par son père, agent artistique, la musique a enveloppé son enfance, l’a investie. Plus qu’une activité, un travail. Plus qu’un goût, une passion. Tellement exigeante la musique… qu’elle ne laisse entrer ni rien ni personne dans l’existence d’Anna. La petite fille grandit dans un univers clos, seule penchée sur son piano, ses parents non loin d’elle, présence rassurante.

Et du jour au lendemain, la bulle dans laquelle elle évoluait éclate. Voilà Annabelle en contact avec le monde, sa réalité, son âpreté… violence du choc. Elle ne peut plus jouer, ses mains ne savent plus, la musique s’est envolée. Elle est devenue insaisissable. Explosion d’émotions. Turbulences de l’adolescence? Mésentente entre ses parents? L’esprit de la jeune fille est embrouillée face à un monde qu’elle ne connaît pas. Sans filtre, sans armure, elle avance dans l’inconnu.

Son père a quitté le domicile conjugal, sa mère ne le supporte pas, elle entre en dépression. Au collège, Anna n’a pas d’amis – elle n’en a jamais eu, pas le temps… -, elle ne sait pas ce qu’est l’amitié, l’amour, la fantaisie, la légèreté, le désir… Elle se sent si différente, si isolée. Tantôt en colère tantôt triste face à sa mère, elle attend avec impatience la fin de semaine pour aller chez son père. Et même si elle se sent plus à l’aise avec lui, le souffle lui manque. Elle a besoin d’air…

Étienne, un nouvel élève, aveugle, va l’aider à y voir plus clair dans sa vie. Avec patience et délicatesse, il va lui ouvrir les yeux et le cœur sur les beautés de la vie.

Ce roman intense sensible et sincère sur l’adolescence, entre quêtes désillusions et puissance créatrice m’a émue aux larmes. Je ne te remercierai jamais assez, ma Nadine, de m’avoir fait découvrir Annabelle et l’écriture de Marie Laberge. Un roman qui laissera une trace indélébile sur mon chemin livresque.

 » Elle hoche la tête, elle veut lui échapper, il se contente de la fixer avec ses yeux doux qui ne condamnent pas. Elle sait bien que c’était la chose la plus importante au monde, que c’était son rêve sacré. Pour elle aussi. Elle aussi voudrait retrouver le salon de Cape Cod quand la musique était légère et qu’elle coulait au bout de ses doigts sans effort. Quand la musique la soulevait, quand sa vie avait un sens. « Papa… papa, je voudrais, mais je ne peux plus… je m’excuse, j’ai essayé, je te jure, mais ça ne marche plus, ça ne vient plus. C’est… c’est parti. La musique est partie. »

« JE VEUX SEULEMENT TE DIRE CECI : DANS TOUTE CETTE MERDE, DANS TOUS CES SILENCES, J’AIMERAIS, EN FAIT JE TE SUPPLIE, DE NE PAS TE FAIRE DE MAL, DE NE PAS T’ACHARNER SUR TOI, DE NE PAS T’ABÎMER. JE M’EXPLIQUE MAL, MAIS JE NE VOIS PAS POURQUOI TU PAYERAIS POUR NOS ERREURS. POURQUOI TA MÈRE ET MOI, ON S’EN TIRERAIT PLUTÔT BIEN ET QUE TOI TU PÂTIRAIS. CE N’EST PAS JUSTE. ET LÀ, JE DIS NON. TU AS LE DROIT DE NE PLUS ME PARLER, DE NE PLUS ME VOIR, DE NE PLUS M’AIMER, DE ME DÉTESTER, DE ME RENIER, DE ME BATTRE (OUI, JE VAIS ME DÉFENDRE), MAIS JE T’EN PRIE, NE TE PUNIS PAS. »

« Ce qu’il y a de pénible avec la vie, c’est qu’il faut collaborer, il faut l’organiser, la construire, l’édifier jour après jour. On ne peut pas se contenter de la subir. On ne peut pas se contenter de récriminer comme s’il y avait eu erreur sur la marchandise livrée. »

« On perd du temps à déplorer ce qu’on ne peut pas changer, à aimer des êtres qui ne nous le rendront jamais, à s’inventer des misères alors que la vie est d’ordinaire assez généreuse en la matière, à nier, à refuser, à combattre… mon Dieu, ma chère enfant… tout ce temps qu’on met à comprendre l’évidence. »

coeur

 

Annabelle, roman de Marie Laberge, Les éditions du Boréal (Canada), 1996 —

17 commentaires sur “Annabelle – Marie Laberge

  1. Je le note car je viens de finir « Les variations Lucy » de Sara Zarr, un roman « jeunes adultes » sur le même thème – très bien, je vous le recommande. Pour celui-ci, en plus, je n’ai jamais lu Laberge; ce sera l’occasion.

  2. Je ne suis jamais arrivée à parler de ce roman tant je l’ai aimé. Il me semble que mes mots seraient trop fades…
    Mais toi tu arrives à poser les mots justes, ceux que j’aurais voulu écrire. Si tu savais comme je suis heureuse que tu aies aimé ce roman de mon auteure québécoise chouchou.
    Oh oui, vraiment je suis heureuse ma Nadège. Il y avait longtemps que je me disais que ce roman saurait sans doute te toucher profondément ❤
    Merci d'être une si belle amie, mon amie précieuse :-*
    Gros becs, je t'embrasse fort xx

    1. Je n’ai pas l’impression d’en avoir si bien parlé… il y aurait tellement de choses à dire sur ce roman. J’invite vraiment tout le monde à le lire, il est beau, bon et réaliste. Merci encore, il restera gravé dans ma mémoire. Je t’embrasse.

  3. C’est une histoire bouleversante et j’aime beaucoup ces mots qui implorent de ne pas se punir pour des fautes que l’on n’a pas commise. Il y a des histoires lues ces derniers temps où laisser un enfant, s’en aller, ferait partie d’une liberté individuelle assumée et légitime. je me demande toujours comment on peut le faire sans états d’âme. Cela me semble impossible.

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