Les gens dans l’enveloppe – Isabelle Monnin avec Alex Beaupain

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L’histoire de ce livre commence avec une grande enveloppe blanche. À l’intérieur, des dizaines de photographies de gens d’une même famille, autant de visages et de lieux inconnus pour Isabelle Monnin, la destinataire. Et pourtant, c’est elle qui a demandé ces photos. Elle les a acheté à un brocanteur sur internet, probablement touchée par leur errance sur la toile. Très vite, elle a envie de faire quelque chose avec elles, sur elles. La petite fille qui apparaît régulièrement lui fait penser à sa propre enfance ; elles sont de la même génération. Malgré la banalité des clichés, il y a des vrais gens dessus ; leurs regards, leurs sourires, leurs postures nous disent des choses sur une époque, une classe sociale.

L’auteure et journaliste Isabelle Monnin se met à imaginer l’existence de ces gens, les nomme, leur donne une place dans la famille, leur crée une personnalité. Ainsi, naissent de sa plume, Laurence – la petite fille – , son père Serge, sa grand-mère Simone – Mamie Poulet –, sa tante Germaine… et puis remarquant l’absence de la mère – Michelle – , elle se dit qu’elle est partie, loin, très loin. Ne supportant plus sa vie étriquée auprès d’un mari nonchalant et sans projet, elle part avec un homme, un argentin… Avant de quitter sa fille, elle la peint, pour graver à tout jamais dans sa mémoire les traits et les courbes de son visage.

En lisant l’histoire inventée par l’auteure, on regarde les photographies des gens dans l’enveloppe avec un autre oeil, on interprète les expressions des visages, on ressent la tristesse et l’incompréhension de Laurence envers sa mère, on comprend le sentiment d’abandon du père, quant à Mamie Poulet, ses lunettes noires masquent si bien ce qu’elle cache dans son coeur…

Mais l’histoire de ces gens dans l’enveloppe ne s’arrête pas là. Car la journaliste qui sommeille en Isabelle Monnin lui souffle de laisser ses personnages derrière elle et partir à la rencontre de ces personnes, en chair et en os, qui existent quelque part ou qui ont existé. L’enquête démarre… elle retrouvera son Serge – Michel –, sa fille – qui s’appelle vraiment Laurence – et quelques autres… avec sensibilité et pudeur, elle les écoutera parler de leurs vies. Et écrira un journal où on entend sa voix retranscrire celle de ces gens qui ne sont désormais plus des inconnus pour elle.

Et quand un ami cher – Alex Beaupain – vient à passer par-là, les confidences se font, les mots viennent et les mélodies s’enchainent. Et voilà des chansons nées d’histoires où le réel et l’imaginaire se confondent.

Un livre beau, émouvant, et plein de tendresse.

« Sébastien est un escabeau sur lequel je grimpe pour voir plus loin. Sébastien est une course. Il se jette dans mon souffle et court sur ma peau. Il prend mes élans. Son insistance est toujours d’accord avec la mienne. J’ai peur mais je n’ai pas peur. On se mouille les bouches, on s’avale les soupirs, on se lèche avec des petites flammes. Je m’accroche à ses cuisses, il accélère dans les virages, tous mes vides il les comble. À la ligne d’arrivée, nous nous écroulons dans la neige, les bras en croix. Son sourire, ma victoire, je le dévore. »

« Elle décide de peindre Laurence. Se la mettre dans les doigts une dernière fois pour ne jamais oublier l’ovale de son visage, le fusain de ses yeux. (…) La peindre c’est ne pas pleurer, chasser la pluie des yeux qui vient, soigner chaque détail, se concentrer sur le noyau. La peindre c’est l’emporter un peu et lui laisser un morceau de l’instant. C’est faire comme on peut. »

« On ne retient pas la vie, on peut juste s’en souvenir. La vie est comme les secondes, elle se fiche de nos efforts, elle coule dans son perpétuel effacement. Du sable entre les doigts, une goutte d’eau sur une pierre chaude. »

KODAK Digital Still Camera

Livre reçu en Service de Presse.

Les gens dans l’enveloppe, roman (+ enquête + photos + disque) d’Isabelle Monnin avec Alex Beaupain, JCLattès, Septembre 2015 —

15 commentaires sur “Les gens dans l’enveloppe – Isabelle Monnin avec Alex Beaupain

    1. Oui, l’idée est originale et belle. Tout à fait d’accord avec toi : humanité, humilité, poésie. J’ajouterais sincérité et sensibilité.

  1. Il n’était pas dans la liste de mes envies prioritaires mais cette chanson me fait réviser mon avis : elle est tout simplement magnifique et très émouvante ! Si le livre est de cette trempe…je vais réfléchir ! 😉

    1. Comme toi, je trouve cette chanson très belle… Je n’ai pas pu écouter les autres (j’ai reçu le SP sans le disque…). Le livre est vraiment beau. Que ce soit l’histoire inventée ou la vie réelle de ces gens, leurs photographies, les paroles des chansons, l’écriture, la poésie qui s’en dégage… on sort de cette lecture, émue.

  2. Je peux imaginer à quel point ce roman est émouvant et plein de tendresse… C’est une idée vraiment originale que d’offrir une vie et une histoire à des photos en leur prêtant des sentiments. L’absence d’une mère, l’abandon d’un père, autant de vécus touchants. Bravo pour ce magnifique billet ma belle Nadège xx

    1. Il est émouvant parce qu’il s’y entremêle la fiction et la réalité, de vrais photos… parce qu’étant moi aussi de la génération de la petite fille, mon enfance a défilé devant mes yeux… parce que la démarche est sincère et sensible… Un très beau livre. Je t’embrasse.

  3. Je n’écoute pas la chanson parce que le livre est dans ma PAL et que je veux commencer par le livre, ou alors je l’écouterais en même temps. Il devrait être une de mes prochaines lectures, il a l’air très émouvant. Tu avais vu l’auteur dans La grande librairie ? Elle ne m’a pas convaincue parce que je l’étais déjà avant mais je l’ai acheté en priorité du coup ;0) Il est passé devant Carole Martinez et Jeanne Benameur (c’est dire ;0) Bisous, bon week end

    1. J’ai vraiment hâte de connaître tes impressions sur ce livre. Je me dis qu’il ne peut que te plaire… Quand j’ai vu l’auteure à La Grande Librairie, je venais de terminer ma lecture, et j’ai beaucoup aimé écouter l’auteure parler de son livre. Je t’embrasse.

    1. Oui c’est ça qui le rend émouvant, ce livre… la chair. Les photos d’abord, puis la voix de ces gens… La fiction rejoint la réalité, puis la réalité est transcendée par l’enquête. Un livre passionnant que je te conseille… Tes mots me font très plaisir, merci pour ta fidélité et ta sensibilité.

  4. Très très tentée, d’autant plus qu’il y a assez d’éléments de coïncidences et de hasard qui gravitent autour de ce projet, tel que présenté par Isabelle Monnin à la télévision. C’est assez dingue de ce dire que ces gens, sur la couverture, ont existé ou existent encore!

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