Bonjour tristesse – Françoise Sagan

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Le soleil darde ses rayons ardants réchauffant les coeurs et les sens, la forêt de pins abrite les amours naissants, la mer raffraichissante et bienfaisante libère les esprits, le sable doux et tiède incite à la rêverie, les journées qui s’étendent avec langueur succèdent aux nuits blanches et festives, les peaux sont dorées, les visages souriants, les yeux brillent, on observe, on charme, plaisir et volupté sont au rendez-vous. Ainsi va la vie sur la Côte d’Azur, près de Saint-Tropez en plein été. Le bonheur semble à portée de main par ici. Et pourtant, un drame se prépare non loin de là, dans une grande villa…

Ladite demeure est occupée durant la saison estivale par un joyeux trio : Raymond le père, séducteur et volage, Cécile sa ravissante fille de dix-sept ans, naïve et spontanée, et la maîtresse Elsa, une demi-mondaine gentille et complaisante. Ce petit monde virevolte avec légèreté, fantaisie et sérénité. Alors que monsieur et madame passent du bon temps, Cécile fait la rencontre de Cyril, un séduisant étudiant. Des sentiments jusqu’ici inconnus s’emparent de la jeune demoiselle… L’été aurait pu être magnifique si Anne – une ancienne connaissance invitée par Raymond – n’avait pas débarqué dans la villa bouleversant tout ce château de cartes. Le règne de l’oisiveté va voler en éclats.

Anne est élégante, raffinée, sérieuse, cultivée, autoritaire, très belle. Elle prône la stabilité, le travail, la constance. L’opposée d’Elsa. Une rivale directe. Raymond est fasciné. La superbe d’Anne éclipse la demi-mondaine qui devient si fade à ses côtés.

Cécile sent poindre la menace. Le rapprochement soudain de son père et cette femme la met dans tous ses états. Adieu l’indépendance, la liberté, l’amusement… La tension dans la villa est palpable, les sentiments sont confus, Cécile est oppressée. L’existence qu’elle avait construite avec son père est en train de s’effondrer. Alors, elle réagit en mettant en place un stratagème pervers qui la mènera avec perte et fracas vers un sentiment nouveau, la tristesse…

Dans son premier roman – écrit à dix-huit ans –, Françoise Sagan évoque avec intelligence la bourgeoisie et sa quête impossible du bonheur, thème qui traversera son oeuvre, jouant avec les paradoxes, l’absurdité, la futilité, et la manipulation.

 

« Je courus vers la mer, m’y enfonçai en gémissant sur les vacances que nous aurions pu avoir, que nous n’aurions pas. Nous avions tous les éléments d’un drame : un séducteur, une demi-mondaine et une femme de tête. J’aperçus au fond de la mer un ravissant coquillage, une pierre rose et bleu ; je plongeai pour la prendre, la gardai toute douce et usée dans la main jusqu’au déjeuner. Je décidai que c’était un porte-bonheur, que je ne la quitterais pas de l’été. Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas perdue, comme je perds tout. Elle est dans ma main aujourd’hui, rose et tiède, elle me donne envie de pleurer. »

« Elle descendit l’escalier la première et je vis mon père venir à sa rencontre. Il s’arrêta en bas de l’escalier, le pied sur la première marche, le visage levé vers elle. Elsa la regardait descendre aussi. Je me rappelle exactement cette scène : au premier plan, devant moi, la nuque dorée, les épaules parfaites d’Anne ; un peu plus bas, le visage ébloui de mon père, sa main tendue, et déjà dans le lointain, la silhouette d’Elsa. »

« Je me disais : « Elle est froide, nous sommes chaleureux ; elle est autoritaire, nous sommes indépendants ; elle est indifférente : les gens ne l’intéressent pas, ils nous passionnent, elle est réservée, nous sommes gais. Il n’y a que nous deux de vivants et elle va se glisser entre nous avec sa tranquillité, elle va se réchauffer, nous prendre peu à peu notre bonne chaleur insouciante, elle va nous voler tout, comme un beau serpent! » »

« J’éprouvais, en dehors du plaisir physique et très réel que me procurait l’amour, une sorte de plaisir intellectuel à y penser. Les mots « faire l’amour » ont une séduction à eux, très verbale, en les séparant de leur sens. Ce terme de « faire », matériel et positif, uni à cette abstraction poétique du mot « amour », m’enchantait (…) »

Bonjour tristesse, roman de Françoise Sagan, première parution en 1954 —

13 commentaires sur “Bonjour tristesse – Françoise Sagan

  1. ça fait si longtemps que je me promets de le relire… Sombre et lumineux à la fois… Et puis le décor est parfait, une vraie lecture d’été ;0)

    1. Je suis ravie de l’avoir lu, enfin. Oui tu as raison, ce roman est sombre et lumineux à la fois. Quel talent, cette Sagan : écrire un tel livre à 18 ans…

  2. Je l’ai lu il y a longtemps et j’en avais lu 3 ou 4 aux tous débuts de mon blog, c’est même grâce à elle si j’ai ouvert ce blog donc c’est dire si je l’adore !!! 🙂 Un livre tellement mature (déjà) quand on songe qu’il a été écrit à 17 ans !!! (ou 18…)…

    1. Oui, c’est incroyable d’avoir su, si jeune, saisir les sentiments qu’elle décrit dans le roman! Epoustouflant! Je n’avais jusqu’ici lu qu’un seul livre de Sagan (qui ne m’avait pas particulièrement plu à l’époque) Un peu de soleil dans l’eau froide… mais, après avoir lu Bonjour tristesse, j’ai très envie d’en découvrir davantage.

      1. Alors je te conseille « Des bleus à l’âme », c’est un de mes préférés… Comme elle dépensait beaucoup d’argent, elle a fait pas mal de livres « alimentaires » mais d’autres sont brillants, elle avait un oeil lucide sur elle-même, la vie… un peu visionnaire ! 😉

      2. Comme tu es toujours de bon conseil je note Des bleus à l’âme! Oui, elle a tellement écrit que j’imagine bien que la qualité de ses roman est inégale…

  3. Si jeune et un si grand talent. J’ai acheté l’an dernier le coffret de tous ses livres. Aimez-vous Brahms m’avait positivement marqué. Probablement parce que chaque livre est lu en un temps précis, et que chaque instant est marqué par des états d’âme…
    Une grande dame cette Sagan!
    Bisous

    1. Oui, c’est vraiment impressionnant d’écrire un tel roman à 18 ans à peine… le style et les propos sont si justes! Quel chance d’avoir tous ses livres! Je note Aimez-vous Brahms.

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