Les beaux mariages – Edith Wharton

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On découvre Ondine Spragg à New York où elle vit depuis peu avec ses parents, des nouveaux riches originaires d’Apex en Caroline du Nord. La jeune femme ravissante et élégante est également une capricieuse arriviste et cela se perçoit d’emblée. On méprise ce personnage immédiatement ; son ambition est de gravir l’échelle sociale, côtoyer la haute société, elle aime l’argent, le luxe, les dorures, les parures, les robes, les bijoux, le clinquant, le divertissement, les voyages, les hôtels, elle aime être admirée et convoitée.

Elle tisse à merveille autour d’elle un réseau de relations, use de stratagèmes, de manipulations et de mesquineries pour arriver à ses fins. Ondine compte sur d’astucieuses alliances pour se distinguer. Toujours là où il faut être ; bals, dîners, ateliers de peintres à la mode, théâtre… Elle n’est jamais aussi radieuse qu’en plein coeur de la vie mondaine.

Son mariage avec Ralph Marvell, issu d’une grande famille new-yorkaise la déçoit vite car le voilà obligé de prendre un métier pour subvenir aux besoins grandissimes de sa femme. Une honte pour elle. Ondine aura tout de même un fils avec Marvell qu’elle délaissera.

Elle divorce, devient la maîtresse d’un banquier, puis part pour la France où elle rencontre le Marquis de Chelles mais pour pouvoir se remarier  elle doit faire venir son fils à ses côtés… ne supportant pas qu’on lui retire son fils Marvell se suicide. Faire souffrir ses proches ne perturbe pas Ondine. Elle suit une trajectoire établie, elle ne diverge pas. Son nouveau mari a beau être un aristocrate, la jeune femme s’ennuie très vite dans son château. Elle divorcera une seconde fois… et retrouvera avec joie un ancien ami d’enfance devenu riche… mais en éternelle insatisfaite, le bonheur pour elle est inatteignable.

Edith Wharton nous dépeint un monde empêtré dans ses convenances, ses valeurs, sa frivolité, ses moeurs légères, son avidité d’argent, sa respectabilité, son besoin d’amusements. On entrevoit un mouvement en ce début de xx ème siècle, l’aristocratie se meurt, les codes de la société sont baffoués, un vent de liberté souffle. L’auteure se montre évidemment cynique envers cette Ondine, femme dure et froide, qui se veut moderne et indisciplinée et pourtant complètement dépendante de l’homme.

« Elle avait plongé sur eux un regard envieux, du balcon ; des fauteuils d’orchestre, elle avait levé vers eux des yeux pleins de révération ; mais voilà qu’elle était enfin sur le même plan qu’eux, parmi eux, elle avait sa place dans le demi-cercle dont le privilège est de faire oublier au public, à l’entracte, que le rideau est tombé. En se glissant vers le siège de gauche de leur niche pourpre, avec un geste, cultivé à l’orchestre, pour faire asseoir Mabel Lipscomb de l’autre côté, Ondine senti cette accélération des facultés qui vient au grands moments de la vie. Sa conscience percevait à la fois toutes les faces de la salle éclatante, depuis les rangs serrés des spectateurs, en bas, jusqu’au flamboiement du lustre central, point culminant ; et c’était elle le coeur de cette illumination, la surface sensible, palpitante, où convergeaient tous les faisceaux de lumières. »

« Vous venez chez nous, vous parlez notre langue sans savoir ce qu’elle signifie ; vous voulez les choses que nous voulons, sans savoir pourquoi nous les voulons ; vous singez nos faiblesses, vous parodiez nos folies, vous ignorez ou ridiculisez tout ce à quoi nous tenons – vous venez d’hôtels grands comme des cités, et de villes fragiles comme du papier, où l’on a pas le temps de donner un nom aux rues, où l’on démolit les édifices avant qu’ils soient secs, où l’on est aussi fier de changer que nous le sommes de garder ce que nous avons – et nous sommes assez bêtes pour nous imaginer que, parce que vous copiez nos façons et parlez notre argot, vous comprenez quoi que ce soit à ce qui fait pour nous une vie digne et honorable. »

« Ondine avait toujours estimé les gens en fonction de leur pouvoir apparent d’obtenir ce qu’ils voulaient – pourvu que cela s’inscrivît dans la catégorie de ce qu’elle pouvait concevoir qu’on désirât. Elle trouvait à la réussite une beauté romanesque (…). »

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Les beaux mariages, roman d’Edith Wharton, La découverte, paru pour la première fois en 1913 sous le titre The Custom of the Country —

9 commentaires sur “Les beaux mariages – Edith Wharton

    1. C’est le premier livre d’elle que je lis, et je pense en lire d’autres. J’ai aimé son regard ironique sur la classe dont elle est issue elle-même.

  1. Je garde un horrible souvenir de Wharton et de son roman « Le temps de l’innocence ». Je m’étais ennuyé comme c’est pas possible. Plus jamais je n’ouvrirai un de ses livres^^

  2. Je n’ai encore jamais lu de livres de cette auteure. On m’a conseille de lire « ethan Frome ». Par ou commencer avec cette auteure?

    1. Elle a beaucoup écrit, souvent des pavés, mais aussi des nouvelles, des essais. Je ne peux pas te conseiller je n’ai lu que celui-ci… mais je crois que son plus grand succès est Le temps de l’innocence.

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