Nos pleines lunes

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L’un aime les mots sans les dire, l’autre fige l’instant d’un cliché. L’existence de l’un est faite d’enchainements de gestes répétitifs, la vie de l’autre s’élabore autour d’un projet artistique. L’un se languit, l’autre s’anime.

Deux personnages. Deux voix qui s’élèvent. Deux chemins de vie. Deux histoires qui se rejoignent pourtant. Un puzzle qui se reconstitue au fil des pages.

L’esprit de Lucas est dérangé, torturé. Il évolue dans un espace clos, asphyxiant. Son corps l’encombre, alors il se gratte, tellement fort, jusqu’à l’écorcher. La solitude lui pèse alors il pense à Lolita ; il l’imagine avec des petits noeuds dans les cheveux. Noël approche, et il va lui confectionner une belle guirlande. Mais, Lucas n’est pas tout à fait seul. Il a dans sa poche, son compagnon de route, un escargot. Un ami qui lui ressemble ; aussi lent et apeuré que lui, il se cache dans sa coquille pour ne plus voir ce qui l’entoure. L’engluement. Car il est difficile de se faire une place dans une situation telle que la sienne. Il n’y a qu’un endroit pour Lucas en ce monde. Un seul lieu où on met les gens comme lui. Bien dissimulé, loin des regards. L’enfermement.

Le passé, Lolita ne pourra jamais l’occulter de sa mémoire mais, elle tente de vivre avec. Les saisons se succèdent, la lumière est là, les paysages, des rencontres, des sourires, des voix. Respiration. Sa mélancolie ne la lâche jamais vraiment mais elle a de l’énergie et de la créativité alors l’espoir existe. Une autre partie d’elle-même est ailleurs, elle le sait. Longtemps elle s’est sentie impuissante devant ce mur si solide. Mais maintenant, elle est amoureuse. Epanouissement. Le bonheur n’est pas loin, elle le sait. Et voilà que ses photographies vont être exposée dans une galerie. À la vue de tous.

Un livre d’une infinie tendresse. Une écriture très musicale, très rythmée. Une histoire à reconstituer à l’aide des signes semés par l’auteure sur la partition. Des sensibilités entrelacées. La profondeur de certains liens. De la poésie. Et beaucoup d’amour. Quelques facilités et procédés un peu convenus dans le dénouement cependant.

« Bien vivre c’est apprendre à fermer les portes. »

« Si c’est jamais alors c’est aussi toujours. »

« La vie c’est quand ça vient c’est pas forcément quand ça doit. »

« Savoir s’envoler c’est aussi atterrir. »

« À l’époque du cahier maman avait retrouvé un peu de rose aux joues. Je crois que c’est à ce moment-là qu’elle a trouvé la phrase. Celle qu’on a fait si naturellement nôtre. Notre phrase. Ces mots magiques qu’elle mettait à toutes les sauces. Au début de beaucoup de phrases. Plus banales. Et même quelconques…

C’est heureux ce cahier…

C’est heureux ce beau temps…

C’est heureux… »

« J’aime traverser le Luxembourg. Seule. La vie est toujours au rendez-vous. Toutes les vies. Ou bien presque… Tout se dit et tout est là. Une force inouïe qui grouille au sein de ces jardins qui traversent les siècles comme d’autres traversent la Seine.

Quand le temps commence à m’échapper, quand je ne sais plus pourquoi, quand je n’arrive plus à accepter, alors j’y plonge et replonge. Je bois ces vies. Elles m’abreuvent. Me sauvent parfois. »

Nos pleines lunes, premier roman de Sophie Krebs, Editions Baudelaire, Novembre 2012 —

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