Summer – Monica Sabolo

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Le ciel azur, le soleil éblouissant, le doux souffle du vent, l’eau dormante du lac Léman en contrebas, ses longues jambes nues courant dans les fougères, son short blanc et court, le  vol de ses longs cheveux blonds dans l’air, puis son regard tourné vers lui, fugace : arrêt sur image. La silhouette de Summer, dix-neuf ans, s’évapore devant les yeux sidérés de son frère Benjamin, treize ans. Noyade, fuite, enlèvement? Elle ne reviendra pas. Il ne s’en remettra jamais. Vingt-cinq ans après une lente descente tapissée d’incompréhension, de désespoir, de colère, d’égarements, il commence à s’ouvrir au docteur Traub. Cette disparition tombée dans les profondeur du lac remonte peu à peu vers la surface. Un besoin irrépressible de vérité, s’impose à Benjamin. L’histoire doit à nouveau infuser, les fantômes doivent ressurgir du passé  pour que la lumière jaillissent et qu’il puisse, lui si fragile, déséquilibré, tout cassé à l’intérieur, se reconstruire. Des bouts d’enfance, d’adolescence s’écoulent et se troublent ; la belle famille de la bourgeoisie genevoise radieuse et cossue, la beauté diaphane de sa sœur, les fêtes où l’on danse où l’on boit, tout se mêle, s’emmêle et tourbillonne… Mielleusement ce monde parfait s’endigue, et sous le glacis des non-dits flottent des réalités froides. La lente remontée des souvenirs lave et éclaircie, non sans souffrance. Les silences se brisent, les voiles se lèvent, et non sans violence les apparences volent en éclats. Brillant, effervescent, ce roman emporte et submerge. Sa puissance poétique inonde tout.

« Je suis la preuve vivante que l’on peut vivre sans les êtres que nous aimons le plus, ceux-là même qui rassemblaient les milliers de fragments minuscules qui nous constituent. Ces êtres que l’on est terrifié de perdre, parce qu’ils nous donnent la sensation d’être réels, ou du moins un peu moins étrangers au monde, et puis, quand nous les avons perdus, nous n’y pensons plus. Je n’ai aucune idée du lieu où elle se trouve, pas plus que je ne sais où est passé l’adolescent maigre et nerveux de quatorze ans que j’étais alors. Ils sont peut-être ensemble, dans un monde parallèle auquel on accéderait à travers un miroir, ou la surface d’une piscine. »

« – Mais elle n’est pas vivante, non plus. C’est une entité. Elle est dans l’air (je faisais des gestes flous au-dessus de nos têtes), elle est partout : dans le ciel au-dessus du lac, dans les roseaux qui se mettent à balancer, alors qu’il n’y a pas de vent. Elle est dans l’eau, dans les bancs de petits poissons, sous le débarcadère, je sentais un afflux de sang dans mon crâne, je réalisais que je parlais avec de plus en plus de fougue, mais je ne pouvais plus m’arrêter, tandis que Matthias me regardait avec intensité, quelquefois elle se réincarne en cygne. Je vais sur la plage de galets, j’attends, et paf, quelques minutes après, elle apparaît, en nageant très lentement, je vois ses yeux qui me fixent. Je sais que c’est elle, et elle sait que je sais. »

« Son départ semblait confirmer le message de l’univers : les gens disparaissent de nos vies, c’est ainsi que cela se passe. Certains sont là pour toujours, d’autres, généralement ceux que vous aimez le plus, se volatilisent les uns après les autres, sans explication, ils sont là ensuite ils ne le sont plus, et le monde poursuit sa route, indifférent, à la façon d’un organisme primaire constitué d’eau et de vide se propulsant dans un espace également constitué d’eau et de vide, ou d’un coeur aveugle, translucide, entièrement dédié à sa pulsation. »

Summer, roman de Monica Sabolo, JCLattès, août 2017 —

11 commentaires sur “Summer – Monica Sabolo

    1. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère de ce roman, les tourments de l’adolescence évidemment, et le « champ lexical de l’eau ».

  1. J’ai abandonné ce roman qui m’a franchement ennuyée. Mais je n’arrive jamais à être captivée par la plume de Sabolo et je me lasse vite.

      1. J’étais sur Paris il y a quelques jours où j’ai passé un beau moment avec mes grands parents qui sont en pleine forme. Ils ont 85 et 90 ans. Mais je suis heureux de respirer à nouveau le bon air marin breton. Bises bretonnes ensoleillées Nadège 🌊☀️😊

      2. Désormais, nous sommes en septembre – bien avancé – et aujourd’hui, il fait vraiment un temps d’automne ici… grisaille pluie froid brrr…

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