Un visage connu et souriant s’arrête un soir au bord de la route. Pour venir en aide à deux sœurs. Des vélos un pneu crevé et l’homme s’immisce dans trois existences. Phénix dix-sept ans, Sacha huit ans. Deux sœurs pleine d’amour l’une pour l’autre, et une mère bohème égocentrique et effondrée depuis que le père est parti. Un père qui envoie de rares lettres à ses filles, du vaste monde qu’il parcourt joyeusement. Le visage connu – professeur d’anglais de Phénix – arrive donc en terrain conquis dans cette famille chancelante. Vite il séduit mère et filles, devient indispensable. Il s’installe. La maison reprend des couleurs, le lac en contrebas n’a jamais été aussi étincelant. Phénix et Sacha semblent heureuses, continuent à se passionner pour les insectes, la littérature, le théâtre. La mère a toujours son air indifférent face à ses filles mais elle est amoureuse, alors. La relation sororale est tellement puissante qu’elle parvient à voiler toutes défaillances parentales. Puis la mère part sur les routes pour son travail. Le beau-père veille mais le sourire de ce visage connu se tord étrangement. Le regard devient tranchant, les mots se font cinglants. Les premiers coups tombent… sur Phénix. Et ne s’arrêtent plus. Le visage connu. Le parâtre. La souffrance en silence, l’indicible emprise, frisson et honte. Phénix ne dit rien, s’efface, se fait toute petite. Disparaît presque. Coûte que coûte, protéger Sacha. Dresser un rempart autour de sa sœur. Renoncer à l’amour que lui offre Merlin. Laisser les saisons défiler, laisser l’ombre gagner… Avec une grande acuité, Nastasia Rugani raconte l’ineffable, déplie la violence insidieuse, et met merveilleusement en exergue le lien d’amour indéfectible de deux sœurs. Il manque à l’adaptation en BD, la profondeur des émotions – complexes et foisonnantes – de Phénix. En lisant le roman, on est dans sa tête. En lisant la BD, on est davantage spectateur.
« On dit que le mois de novembre arrache la dernière feuille. Chez nous, cela fait plus d’un mois que les arbres sont nus. Il fait froid comme seules les petites villes sinistres savent avoir froid, avec leur ciel digne d’une tempête de neige peinte par Turner et leur centre-ville abandonné dès la fermeture de la dernière épicerie. Cha pense que la nature sait et se venge. Que si novembre ressemble à janvier, c’est en partie la faute au parâtre. Elle interprète les manifestations de la nature comme elle lit les lignes de la main. Papa lui a appris ces charlataneries. Cependant, si les éléments ont cette capacité, je me demande pourquoi la foudre n’a pas frappé l’autre, pourquoi il n’a pas été emporté par un ouragan inexpliqué, un tsunami au bord du lac. » (citation du roman)
— Tous les héros s’appellent Phénix, roman de Nastasia Rugani, adaptation en BD par Jérémie Royer, à partir de 13 ans, L’école des loisirs (septembre 2014) Rue de sèvres (mars 2020) —
Je me souviens avoir lu le roman il y a quelques années. j’accroche rarement avec la littérature pour ados, mais celui-ci m’avait bien plu !
J’aime beaucoup l’autrice, son univers, son écriture… j’ai moins accroché avec la BD.
Je ne l’ai toujours pas lu, je commencerai par le roman plus probablement
L’écriture de Nastasia Rugani est belle grave et puissante.
Je dois lire le roman avant de me lancer dans la BD.
Oui c’est ce que j’ai fait aussi… j’ai reçu la BD alors que je n’avais pas lu le roman. J’avais tant aimé Milly Vodovic…