En émois – Anne Cortey et Cyril Pedrosa

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Sous le soleil écrasant d’un été en Provence, les soubresauts de l’esprit du cœur et du corps de deux adolescents. Au creux de l’été, Jeanne reste seule à la maison, fait la grasse matinée, se charge de nourrir les ânes, s’occupe quelquefois de son petit frère, aide s’il le faut ses parents à l’épicerie du village, passe des coups de fil à Esther son amie partie en vacances, mais le moment essentiel de sa journée – sa parenthèse enchantée, son oxygène – est sa baignade au lac. Pourtant ce jour-là sera différent, son ami Gwen est en retard. Elle se baigne alors seule lorsqu’une sonnerie de téléphone la sort de sa bulle cotonneuse. On cherche à joindre un garçon nommé Kévin. Laissant, perplexe, le mobile égaré sur la rive. Jeanne ne pourra pourtant ôter de sa tête cet appel mystérieux…
Ce garçon, elle l’approchera bientôt. Une rencontre saisissante, non sans heurts. Il est agité, elle a peur. Il est confus, elle est aimantée. L’émotion est si vive qu’une crise d’asthme se manifeste. Le garçon prendra alors soin de Jeanne. Ils se reverront et là il lui racontera. Sa fuite, sa colère, la sévérité de son père, sa passion pour le volley, son talent… les gars qui le harcèlent depuis des mois. Son besoin irrépressible de s’extirper de cette vie faite de violence. Son impression d’être au bord de l’implosion.
Les mots si beaux d’Anne Cortey tour à tour enveloppants et syncopés disent tout des tourments adolescents. Du désordre des sentiments à leur apaisement. De la solitude à l’entraide. De la bienveillance à l’amour naissant. Des premiers émois, qui valsent comme le souffle du vent dans les collines. Et s’embrasent, comme les dessins flamboyants de Cyril Pedrosa.

« C’est en hurlant qu’il a parlé.
Il a crié plus fort qu’il n’aurait pu l’imaginer.
Tout est sorti d’un coup.
Il ne se laissera pas faire, cette fois.
Son ventre est en feu. Sa gorge brûle. Sa tête est tumulte.
Les sanglots sont prêts à jaillir. Mais il ne pleurera pas.
Ce serait pire après. »
 
« Le mistral souffle, c’est affreux.
Le garçon est sur le chemin.
Il n’aime pas le vent.
Les rafales fouettent son visage.
Avec la tempête, rien n’est bon.
La colline est prise par des accès de folie.
Elle s’envole par petits paquets de terre sèche et de végétaux.
Les brins d’herbe sont oiseaux.
Les buissons déracinés sont emportés.
Le garçon est angoissé.
Il ne sait pas trop pourquoi, il n’a pourtant plus à être anxieux.
Mais il traverse le vallon, peinant contre le souffle du vent, qui l’empêche d’aller de l’avant.
Il va chez elle. »

« Quand je regarde devant moi, j’ai le vertige. Est-ce que ça ressemble à ça, la vie? À cette sensation de devoir sauter dans le vide, sans trop savoir où on va? Mais, avant de sauter, il y a ce week-end. Esther sera de nouveau avec nous. On ira au lac tous les trois, on grimpera sur nos vélos, et on traversera les collines. Peu importe le soleil, la chaleur, on l’oubliera dès que nos corps seront immergés. Et peut-être que dans ma tête tout sera devenu simple, limpide, comme l’eau dans laquelle je nagerai. »

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En émois, roman d’Anne Cortey, illustrations de Cyril Pedrosa, à partir de 11 ans, L’école des loisirs, août 2019 —

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