Bacchantes – Céline Minard

bacchantes

Hong-Kong, sa baie. Le vent souffle de plus en plus fort depuis trois jours. Aucun autre bruit ne vient le parasiter. Le typhon approche. Comme le monstre mythologique, il attend son heure pour frapper. Double attente, double peine pour la brigade d’intervention : trois femmes ont pris en otage la  cave d’Ethan Coetze, propriétaire richissime de grands crus millésimés. Estimés à 350 millions de dollars. Un braquage dans la cave à vin la plus précieuse et la plus sécurisée de la planète, c’est insensé. Installée dans de vieux bunkers de l’armée britannique, elle semblait inattaquable. Et pourtant, la Clown la brune et la bombe ont réussi à franchir tous les obstacles technologiques. Grâce à un rat. D’extravagantes braqueuses, en escarpins et perruques vertes, belliqueuses et railleuses, à la descente rapide qui jouent aux quilles avec les bouteilles des meilleures cuvées. Laissant pantois Jackie Thran la cheffe de brigade, Marwan Cherry le négociateur et Coetze. Leur requête pour l’instant : un nécessaire à maquillage, de luxe. Coetze décide de leur remettre en main propre… le maître des lieux, tel Dyonisos, se dévêt et pénètre dans l’antre. Retrouver ses bouteilles fameuses, son capital, sa fortune. Contempler les robes, sentir les arômes, et boire jusqu’à l’ivresse, mais c’est sans compter sur le dément trio.

Un roman pétillant, un flot de mots percutants, une écriture enivrante, une histoire subversive, des personnages effervescents… Une fulgurance à déguster sans modération.

– (…) Nous détenons des otages. Nous sommes prêts à les exécuter. Tous. Un par un ou ensemble. Nous avons le choix. Nous sommes dans un lieu qui résiste à des pressions formidables. Celles que vous tentez d’exercer sont dérisoires. Nous sommes dans une île, dans une cité, dans un submersible, inexpugnables. D’un entrepôt, nous avons fait une campagne. Les richesses circulent à l’intérieur, de l’intérieur, nous n’avons et elles n’ont aucune raison d’en sortir puisque nous sommes là où vous ne pouvez être, que nous avons tout ouvert, tout relié. Réfléchissez. Et déposez mon nécessaire à maquillage dans dix minutes devant sa porte, puisque ça vous fait plaisir. »

« À partir de ce moment et jusqu’à la fin de la carafe, Coetzer se suspend. Il se contente de goûter le vin. À l’aveugle, mais plongé dans ses sensations, sans essayer d’en appeler à ses connaissances, ses souvenirs, ses réflexes, uniquement mais absolument attentif à ce qui s’annonce, passe, et prend corps dans son corps. Il part. Il descend sur des terres humides et fraîches, sur l’épiderme d’un monde organique travaillé par les météores et les vents, arrosé de soleil, givré, bourgeonnant, craqué, il glisse parmi les feuilles, se coule dans les rus, tombe comme une pluie, monte dans la sève, gonfle de concert avec les milliers de fruits ronds, pleins, pruinés, les grappes entières accrochées sans effort au bois plongeant au travers des herbes entre les vies d’insectes innombrables. Branché sur toutes les variations, il sent la forme des nuages, le cri des bêtes et les plumes, le départ d’un lièvre, la nuit comme une vasque, sans dessus ni dessous, aussi vaste en lui qu’un état de l’âme et du coeur. Il plane. Il absorbe autant qu’il est absorbé. »

Bacchantes, roman de Céline Minard, éditions Rivages, janvier 2019 —

 

9 commentaires sur “Bacchantes – Céline Minard

    1. C’est la première fois que je lisais un de ses livres, et comme toi j’appréhendais un peu. Finalement, j’ai bien aimé son écriture alerte.

  1. Ça percute ! Désolée..un article dans le nouveau Page des libraires suggérait l aspect critique sociale que je trouve intéressante mais que je n avais pas du tout vu . C est vrai que jouer aux quilles avec des bouteilles millesimees ça décoiffe !

Laisser un commentaire