La petite famille – Sophie Avon

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Un grand bonheur inonde Camille, vingt quatre ans. L’enfant qui grandit au creux de son ventre la fait rayonner et étonnamment, l’allège. Elle se sent indispensable, belle et  sereine. Camille, française, est tombée sous le charme de Ron, un étudiant en droit hollandais, voilà trois ans. Ces deux-là ne s’aiment plus mais la maternité de Camille a changé la donne. Alors, ils se sont installés à Amsterdam dans un petit appartement au-dessus d’une boulangerie. Ron poursuit ses études, assidûment.

Quand le petit Sacha découvre le monde, Camille pâlit et se replie sur elle-même. Abattue, triste et sombre, elle s’éloigne encore de Ron et se détache de Sacha. On lui parle de baby-blues mais elle sait bien qu’au fond, elle a toujours été ainsi. Mélancolique. Elle n’est pas seule, les amis vont et viennent souvent dans la maison, elle a le projet de créer et vendre des bijoux, mais l’absence de désir pour Ron et le manque d’envie de s’occuper de son fils la rendent apathique.

Une idée lui vient : elle reprend contact avec Nina, sa meilleure amie, qu’elle n’a pas vue depuis quelques années. Nina débarque avec sa douceur sa bienveillance sa gaieté et s’installe dans la chambre de Sacha. Les mois défilent, et Nina est toujours là. Camille va mieux, Nina comble les défaillances, motivent les esprits et les cœurs… Un curieux ménage à trois s’organise autour du petit Sacha.

Dès les premières lignes la tension est palpable, le glissement inévitable, le malaise du lecteur constant, l’empathie inexistante, le roman est ramassé, les mots sont pesés, on redoute la fin… elle est glaçante.

« Il est vrai qu’elle a les larmes aux yeux facilement depuis plusieurs semaines. Un rien l’effondre. Quand Ron part à la fac, le matin, tandis que sur le rocking-chair, elle tient Sacha qui cramponne des deux mains son biberon sans quitter sa mère du regard, elle a envie de pleurer. La porte se referme sur un silence qui tout à coup la vrille. Elle est paniquée à l’idée de rester seule avec son fils. Elle l’aime, c’est certain, mais c’était plus facile quand il était dans son ventre. À présent qu’il est au-dehors, elle se sent dépouillée. »

« Tu sais, lui dit-il sans cesser de jouer, quand je te vois te lever le matin pour t’occuper de Sacha, je me dis qu’en fait, ma femme, c’est toi… » Elle se raidit. Elle n’a rien vu venir, n’en revient pas de cet aveu. D’un côté elle entend la déclaration d’amour, de l’autre, voit sa séduction réduite à des prouesses maternelles. »

« Voilà, Nina est partie. L’enfant la cherche pendant quelques jours, puis il l’oublie. Il erre dans la maison, échappé de son petit parc où, neuf fois sur dix, Camille omet de l’enfermer. Le mois de juin est brûlant, il déambule à moitié nu, transpirant à grosses gouttes, ouvrant les placards quand il a faim, tétant son biberon d’eau qui roule entre ses jouets. Dès qu’il voit son père, il s’élance en criant : « Po-me-nade! »

La petite famille, roman de Sophie Avon, éditions Mercure de France, Janvier 2018 —

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