Jonas le requin mécanique – Bertrand Santini et Paul Mager

P1010310Dans les années soixante-dix, Jonas était une star de cinéma, personnage effrayant et redouté, mais incontournable. Culte, même. Les gens se déplaçaient en masse pour voir le film Les dents de la mort dans lequel il « jouait » le rôle du requin mangeur d’hommes sur la côte californienne. Et puis le temps a passé. Le requin mécanique ne faisait plus autant frissonner. L’ère du relief, du 3D donna un sacré coup de vieux aux films d’antan. Le numérique avait réussi à chasser le mécanique. L’ancienne vedette s’est alors retrouvée dans un grand parc d’attraction, le bien-nommé Monsterland, un endroit peuplé de créatures légendaires du cinéma d’épouvante.

Le spectacle de Jonas attirait la foule au début mais aujourd’hui, le requin est usé. Les pannes se succèdent, les boulons ne tiennent plus, la carcasse est rouillée. Le directeur qui perd de l’argent à entretenir ce vieux pantin articulé, décide de fermer définitivement cette attraction et envisage de l’envoyer à la casse.

Les monstres du parc ne l’entendent pas de cette oreille et par solidarité s’unissent pour faire évader Jonas. Krokzilla, le dinosaure l’escorte jusqu’à l’océan, car le voeux le plus cher du requin mécanique est de devenir vivant. D’être un vrai requin blanc.

En sautant dans l’immensité bleue, Jonas ne sait pas encore que de nombreuses épreuves l’attendent. La liberté se gagne. Le chemin vers la vie sera long et semé d’embûches. Sa rencontre avec Loopy, un manchot, va éclairer sa route vers sa métamorphose.

Une fable drôle, tendre, ironique et triste à la fois. On y parle de la condition des animaux, de leur exploitation, de l’indifférence des hommes, voire de leur barbarie, mais les dessins si fins de Mager et la sensibilité de Santini insufflent toute une poésie et un imaginaire qui élèvent le conte vers la beauté, le merveilleux et la bonté.

« Le soir tombait sur Monsterland. Le brouillard enrobait d’un halo mystérieux les allées qui conduisaient les derniers visiteurs vers la sortie. Le vent dispersait des odeurs tièdes de barbe à papa et de pralines grillées. Les lumières du parc s’éteignaient une à une, métamorphosant les manèges en immenses squelettes figés dans la nuit. »

«  À quoi bon ! De toute façon, un requin en plastique qui flotte dans un bassin, ça n’impressionne même plus les enfants ! Aujourd’hui, nos visiteurs veulent des monstres en relief. Les pantins, c’est du passé. Alors, c’est décidé ! Nous allons fermer cette attraction et envoyer ce tas de ferraille à la casse. »

« Derrière la crête dentelée des collines, l’océan s’étalait sous la lune comme ne nappe dorée. L’océan… – Le pays de mes rêves, soupira Jonas. Ah, comme j’aimerais plonger dans cette immensité et vivre comme un vrai requin blanc ! – Oui… Ce doit être merveilleux d’être vivant, murmura Krokzilla. – Eprouver le froid, le chaud, la faim ! Poursuivit Jonas d’un air rêveur. – Sentir la flamme brûler ! Le vent caresser ! – Renifler les odeurs ! – Même des mauvaises, j’adorerais pouvoir les sentir. – Si nous étions vivants, nous pourrions manger, boire, grandir ! Tomber malade puis guérir ! – Nous aurions des ancêtres ! Une famille ! Une maman ! Rajouta Krokzilla, mélancolique. – Tant de bonheurs que nous ne connaîtrons jamais, soupira Jonas. – Et puis, si nous étions vivants, un jour… on mourrait ! Dit le dinosaure sur un ton fasciné. – Mourir, ça doit faire un drôle d’effet ! – Oui, mais quelle chance de pouvoir mourir. Quel privilège ! Mourir ça n’arrive qu’à ceux qui sont en vie! »

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Autre livre lu de l’auteur : L’étrange réveillon (illust. par Lionel Richerand)

Livre reçu en Service de Presse.

Jonas et le requin mécanique, roman jeunesse (dès 8 ans) écrit par Bertrand Santini et illustré par Paul Mager, Grasset Jeunesse, Octobre 2014–

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