Le monde à l’endroit

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Aux pieds des Appalaches en Caroline du Nord vit Travis, un jeune homme de dix-sept ans. Son père, un homme robuste, rugueux et autoritaire est cultivateur de tabac. Sa mère, douce mais effacée ne fait pas le poids face à l’intransigeance de son mari. Travis, en perpétuel conflit avec son père ne sait que faire de sa vie. Marcher sur ses pas en travaillant à la ferme ne l’intéresse pas, quant à l’école, il vient d’arrêter. Devant son « vieux » comme il l’appelle, il se mure dans le silence, mais ça bout à l’intérieur et ça ne demande qu’à sortir.

 

Alors qu’il se rend à la rivière pour pêcher la truite, son occupation favorite, un champ immense de cannabis s’offre à lui. Personne à l’horizon, Travis s’empare de quelques pieds. Un peu d’argent serait le bienvenu pour payer l’assurance de son pick-up… C’est alors que les événements s’enchaînent bousculant littéralement l’existence morne et plate de l’adolescent : sa rencontre avec Leonard, un ancien prof devenu dealer, celle nettement moins agréable avec le père et le fils Toomey, les propriétaires du champ de cannabis, son histoire d’amour platonique avec la jolie Lori, sa fuite de la maison familiale, son installation dans le mobile-home de Leonard, la reprise de ses études.

 

Autour de lui, des gens paumés, détruits par la drogue, l’alcool, la perte d’un travail, l’éloignement d’un enfant, aux idéaux anéantis. Ils ont sombré lentement dans les abîmes. C’en est fini pour eux, plus moyen de faire demi-tour. Travis, avec l’aide de Léonard, va tenter de s’élever. Le professeur déchu va lui transmettre des savoirs, le plonger dans ses racines, dans son histoire et dans l’Histoire avec un grand H en évoquant la guerre de Secession qui a sévit sur ces terres.

 

Violence, cruauté, désarroi, dépendance, tristesse, rage, autant de sentiments qui envahissent le coeur des hommes et des femmes de ce roman et s’entremêlent avec le paysage des Appalaches  en toile de fond, fait de montagnes et de rivières, de ravins et de torrents, où le soleil épuise et la pluie attise rancunes et aigreurs.

 

Il est difficile de se faire une place dans un monde peuplé de gens qui marchent sur la tête. Il faut du courage et de l’intelligence pour éviter les embûches, rester droit, ne pas être happé par un environnement hostile où passé et présent se côtoient sans cesse. Travis est en passe de devenir adulte, il est en quête d’un sens à donner à son existence. Y parviendra-t-il ?

 

Une description poétique de la nature belle et changeante, des personnages bousculés aux sentiments exacerbés, le fardeau des générations passées. Un roman noir d’une grande force.

« – Aussi impitoyablement la force écrase, aussi impitoyablement elle enivre quiconque la possède ou croit la posséder. De toute façon elle change l’homme en pierre… et une âme placée au contact de la force n’y échappe que par une espèce de miracle. (…) C’est une femme qui s’appelait Simone Weil qui l’a écrit, à Paris, en 1940. Elle ne faisait pas de théorie. C’était un témoin. »

« – Tu sais qu’un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi. »

« Il passa la main par la fenêtre, et la fit tourner comme une girouette. L’air lui giflait la paume. Il n’avait pas besoin de regarder sa montre pour savoir qu’il était midi passé, il sentait l’air du début de l’après-midi cailler comme du beurre. La fin de la canicule, le pire moment de l’année pour travailler aux champs. Pas un souffle, tout, partout, sec et poussiéreux. Les matinées n’étaient pas trop dures parce que les montagnes tenaient un moment le soleil à distance, mais arrivé midi il vous grésillait en pleine tête. »

« La reliure grinça comme une charnière rouillée, les pages s’ouvrirent à la date à laquelle, au fil des ans, Léonard était allé le plus souvent. Les mots étaient inscrits en majuscule, d’une écriture soignée comme si l’auteur avait anticipé un moment tel que celui-ci où le passage serait lu par d’autres yeux. »

« Il repensa à la gifle, à l’impression que le poison des piqûres de la guêpe avaient afflué de toutes les parties de son corps dans sa joue gauche. Toujours là, d’une certaine façon, comme une marque. Mais, il n’avait plus à se tracasser de déplaire à son père. Il pouvait faire ce qu’il voulait, travailler dans une ferme, dans une épicerie ou derrrière un bureau, si ça lui chantait. Il pouvait lire un livre démonter ce livre comme si c’était un moteur pour voir comme il fonctionnait. »

« Travis imagina la truite mouchetée sous la glace, montant dans ses rêves gober à la surface des éphémères jaunes vifs, rêvant du printemps en attendant patiemment que passe l’hiver. »

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2 commentaires sur “Le monde à l’endroit

  1. Tu avais déjà écrit cet article il me semble, parce qu j’avais gardé ce livre en mémoire. C’est un gros travail de rapatrier tous ses articles.

  2. Oui quel travail de tout rapatrier! J’ai décidé de tout rapatrier mes articles sur mes lectures, comme tu vois, je conserve la date initiale de la publication de l’article.

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