Souviens-toi de moi – Martine Laffon

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Li Jian a dix-sept ans lorsque la France le recrute en 1917, ayant cruellement besoin de main d’oeuvre. Des milliers de chinois (140 000) vont, comme lui, être enrolés dans cette guerre atroce qui s’éternise, en échange d’une mince prime. Le jeune homme quitte Shangai ignorant l’horreur qui l’attend…

En principe, ces travailleurs chinois devaient remplacer les hommes partis au front dans les usines, les ports, les mines, creuser des tranchées, réparer les routes et les chemins de fer mais très souvent on leur confiait les taches les plus dures physiquement et moralement comme déblayer les cadavres à la pelle… De plus, leurs conditions de vie étaient désastreuses : froid, faim, manque d’hygiène, maladies. Et ils faisaient face, impuissants, au racisme des soldats et des habitants.

Li Jian s’évade en pensée et en dessinant (souvent avec un pinceau invisible). C’est un lettré, un être d’une sensibilité exacerbée. Il écrit les lettres de ses compatriotes. Esquisse des chevaux, des paysages, des oiseaux, des symboles et rêve. La douceur qui émane de lui contraste avec l’horreur qui l’environne et le chagrine tant.

Son regard s’illumine le jour où il voit devant lui une magnifique jument blessée. Il la soigne sous les yeux ébahis des soldats français. Une amitié naît d’ailleurs avec deux de ces soldats, Blanchard et Drouault. Ils se comprennent sans se parler, grâce aux dessins et à la poésie, et admirent, l’espace d’un instant, toute la beauté du monde.

Un jour, un bombardement allemand éclate… Li Jian erre, blessé, avec sa jument jusqu’à tomber au sol, épuisé. Une fillette le trouve, elle et sa maman le cachent et prennent soin de lui…

Un roman historique poignant mêlant avec habileté la violence de la guerre et la délicatesse d’un homme. Peu de gens savent que des chinois avaient été recrutés ainsi d’où l’importance de ce témoignage, pour la mémoire. Selon l’éditeur, ce livre peut être lu dès onze ans. Personnellement, je trouve que certaines scènes sont trop effrayantes pour des enfants si jeunes.

 

« Li Jian écoutait le souffle bruyant des autres, leurs gémissements et leurs raclements de gorge. Il remonta la couverture au-dessus de sa tête, mais cela ne suffisait pas. Il grelottait. Il aurait voulu vomir, extirper de son corps tout ce qu’il avait vu, entendu, senti, touché, depuis son départ de Sangai et même avant. Il avait envie de mourir, de ne plus penser, de vider sa mémoire pour qu’elle le laisse tranquille avec ses souvenirs obsédants. »

« Drouault repartait quand Li Jian le rattrapa par la manche. Il lui sourit, gêné. Comment cet homme, qui avait tant de compassion pour les autres sortirait-il de cette guerre ? Ou plutôt…pensa Li Jian, qu’est-ce qui le ferait tenir ? Leurs regards se croisèrent et, tout à coup, ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, comme des camarades, et Drouault lui donna le poème. Ils se séparèrent ainsi ; l’un avec le dessin d’une pie, ignorant qu’elle était le symbole du bonheur, l’autre avec deux strophes de Baudelaire qu’il ne savait pas lire. »

Souviens-toi de moi, roman jeunesse (dès 11 ans) de Martine Laffon, Flammarion Jeunesse, Mars 2014 —

6 commentaires sur “Souviens-toi de moi – Martine Laffon

  1. Oooh que ça a l’air bien et cela semble en effet apporter un point de vue encore différent ur les combattants de la Grande Guerre (j’ignorais en effet que les Chinois avaient combattu aussi !)

    1. Oui ce roman est intéressant. Personnellement, je ne savais pas pour les travailleurs chinois. J’ai beaucoup aimé le lyrisme qui se dégage de ce livre, et qui le rend très émouvant.

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