Schroder – Amity Gaige

Schroder

Schroder, le titre donné au roman est justement le nom qu’Erik, le personnage principal, n’a de cesse de vouloir effacer de sa mémoire. Schroder, un nom qu’il a rayé de sa vie depuis l’ adolescence, un nom lourd à porter qui le renvoie à ses origines, au pays qui l’a vu naître : l’Allemagne. Le mur, la séparation avec sa mère, la fuite avec son père…

Quand ils débarquent aux Etat-Unis tous les deux, Erik est fasciné par l’endroit : un vent de liberté y souffle. Tout est à inventer, à réinventer. Ne surtout pas demeurer « l’étranger », réussir à se fondre dans la masse, à s’y noyer. D’abord changer ce nom qui lui colle à la peau et à l’âme. Il s’appellera désormais Kennedy. C’est sous ce nom qu’il s’inscrit à son premier camp de vacances, il a quatorze ans (j’avoue être sceptique sur la crédibilité de cette usurpation d’identité avec falsification de papiers et sur l’ignorance de son père…).

Erik continue ainsi son existence, fait des études, a des conquêtes amoureuses, travaille dans l’immobilier, se marie avec Laura, et a une fille Meadow. Son rêve américain se poursuit tranquillement, sereinement. Mais au bout de quelques années de mariages, le couple ne se comprend plus, Laura veut divorcer de cet homme qui semble tellement éloigné d’elle aujourd’hui. Elle obtient la garde de leur fille, Erik ne la voit que quelques week-ends…

C’est l’incompréhension, la tristesse, la déprime pour Erik. Cette affaire le dépasse complètement. Il est indéniable qu’il aime énormément sa fille mais il est si malhabile… Son passé remonte à la surface, ses mensonges s’entremêlent. Tout ce qu’il avait construit s’écroule.

Alors quand un jour, son beau-père lui amène Meadow pour la journée, Erik perd la face. Il part avec sa fille. Une cavale de six jour s’ensuit. Usurpation d’identité et enlèvement. Beaucoup pour un seul homme.

Ce livre est donc une longue lettre qu’Erik écrit à sa femme expliquant son geste impardonnable.

Une lecture pas très agréable. On aimerait comprendre le comportement d’Erik mais l’empathie ne vient pas. Ce personnage est trop englué dans son passé. La vérité lui revient en plein visage faisant voler en éclats une vie fabriquée en « carton-pâte », mais il y a une petite fille de six ans bien réelle qui a besoin d’un père rassurant et bienveillant… Un sentiment de malaise a entravé ma lecture malgré certains passages justes et émouvants sur ces pères à qui l’on retire la garde de leur enfant, et une réflexion intéressante sur le silence.

« Entre chaque week-end de visite les semaines s’étiraient. Des jours mangés aux vers, mélancoliques, amplifiés, encadrés comme par des serre-livres par les samedis et dimanches où je pouvais profiter de sa présence. Puis venaient les week-ends sans elle. Le chagrin les rendait interminables.(…) lorsque ma fille arrivait enfin, à l’arrière de la Tahoe de son grand-père, la fatigue me tombait dessus. Je m’étais épuisé à l’attendre. Au bout du compte, le plus dur, quand on a été heureux à en mourir, c’est qu’au moment où votre vie se dégrade, on regrette de n’avoir jamais rien connu d’autre. »

« Mais, dis-moi, n’est-ce pas cela l’enfance ? Une aventure involontaire ? Un enlèvement ? Avant de naître, avant que tu fasses ton entrée en scène, alors que tu baignais encore dans les limbes de l’avant, est-ce qu’un ange est venu te demander ton avis, te dire : Excuse-moi, petit être, aimerais-tu naître aujourd’hui ? Aimerais-tu naître dans cette famille-là ou dans celle-ci ? Quel genre d’existence aimerais-tu mener et dans quel environnement ? Dis-moi, quand as-tu consenti à ton existence? »

« Si seulement j’avais accepté la vie qui était la mienne, ma première vie, j’aurais respecté ses limites. J’aurais vécu tranquillement, sans rêver. Je me serais efforcé de me convaincre qu’on peut se satisfaire d’une vie triste et tranquille. Au lieu de quoi j’ai rêvé. J’ai décoré des pans entiers de mon passé avec des plaisirs que je glanais ailleurs. »

masse_critiqueRoman lu dans le cadre d’une opération Babelio Masse Critique

challengeromancièresaméricaines

Schroder, roman d’Amity Gaige, Editions Belfond, Mars 2014 —

6 commentaires sur “Schroder – Amity Gaige

  1. Je suis beaucoup plus enthousiaste sur ma critique mais c’est vrai qu’on peut trouver le personnage comme absent, velléitaire.

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