L’arbre de l’oubli – Alexandra Fuller

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Le regard d’une fille posé sur l’existence de sa mère. Des images d’enfance, des histoires qu’on lui a rapportées, des impressions, des sensations, la lumière de l’Afrique, le colonialisme, la guerre civile, l’indépendance d’un pays, la traversée émotionnelle d’une famille sur plusieurs décennies, une famille solidement attachée à un sol, des racines britanniques… Alexandra Fuller relate ici des « mémoires » dont l’héroïne s’avère être la personne qui l’a enfantée : Nicola Fuller. Et il est vrai que cette femme a l’étoffe d’un personnage de roman.

Volubile, drôle, tournoyante, voilà comment apparaît la mère de l’auteure au commencement du livre. Mais, connait-elle si bien la personnalité de Nicola ? L’admire-t-elle tant que cela? Si Alexandra est clairement impressionnée par le parcours de cette femme, on sent très vite au fil de la lecture, une distance, un manque de chaleur et d’attention de la mère envers sa progéniture, ce qui crée d’ailleurs un malaise pour le lecteur : l’empathie ne se fait pas, on éprouve même un agacement, un désintérêt voire de l’ennui. Malgré les épreuves successives – parfois dramatiques – qu’endurent Nicola, on reste en dehors, l’émotion ne poind pas. Le ressenti profond de la fille envers la mère doit y être pour quelque chose… En écrivant, l’auteure cherchait peut-être justement à l’extraire d’elle-même pour se rapprocher de cette mère si égocentrée… faire d’elle un personnage de roman pour mieux la cerner ou la garder à distance ?

Les points historiques égrénés tout au long du récit laisse encore plus le lecteur en marge. Le point de vue choisi est celui du colon ce qui rend l’atmosphère pesante. On aimerait voir intervenir davantage de personnages extérieurs à cette famille, en apprendre plus sur les conditions de vie des colonisés… Cette vision unilatérale désarçonne.

Un avis bien mitigé de ce livre dans lequel je n’ai pas pu-su entrer. Le thème pourtant n’était pas dénué d’intérêt mais la construction de l’histoire (anecdotes, va-et-vient incessant d’une époque à une autre, la présence envahissante de la mère au détriment des autres membres de la famille…) la relation floue entre la mère et la fille, l’intervention de l’Histoire avec un grand H, autant d’éléments disparates qui ne fusionnent jamais.

« Maman prononce le nom de ce pays avec un long e de l’ère coloniale – keen-ya (/ki nya/), comme si l’empire britannique teintait encore de rose un quart du globe. Quant à moi, je le prononce avec un e bref, postcolonial – « kenya » et elle me corrige répétant « keen-ya ». Mais son insistance à conserver cette prononciation anachronique me conforte dans l’idée qu’elle parle d’un lieu imaginaire emprisonnée à jamais dans le celluloïd d’un autre temps, comme si elle était une tierce personne participant à un film dont les vedettes étaient un cheval parfait, l’incomparable lumière équatoriale et elle-même. La violence et les injustices causées par le colonialisme semblent – dans sa version des événements – avoir lieu dans un autre film que personne n’a vu, et n’avoir touché que des gens invisibles. Ce qu’ils étaient, d’une certaine manière. »

« Les gens demandent souvent pourquoi mes parents n’ont pas quitté l’Afrique. Simplement, cette terre les a possédés. La terre est l’histoire d’amour de maman et c’est la religion de papa. Quand il va du camp sous l’arbre de l’oubli jusqu’au fleuve et revient sur ses pas, il remplit l’engagement sacré de toute une vie envers le sol appris dans l’enfance. »

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L’arbre de l’oubli, roman autobiographique d’Alexandra Fuller, Edition des Deux Terres, Avril 2012 —

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