Ce qu’ils disent ou rien – Annie Ernaux

Cequilsdisent

Eté 1976. Anne a seize ans. En Septembre, elle fera son entrée au lycée. Dans ce court roman, nous embarquons pour une exploration au coeur de l’adolescence en assistant jour après jour aux pérégrinations psychiques et physiques d’Anne durant deux mois. Ecrit à la première personne, la jeune femme nous livre ses pensées les plus profondes.

En rebellion contre ses parents, Anne ne supporte plus leur autorité, leurs idées, leur petite vie étriquée et leur mollesse. Son esprit est confus, elle s’interroge sur son avenir – avec l’angoisse de devenir comme eux –, et peine à se situer dans sa famille, parmi ses ami(e)s, dans le monde.

Annie Ernaux analyse avec une grande justesse la montée du désir, le besoin de liberté, d’indépendance, de responsabililté chez cette adolescente. Impulsions incontrôlables, peurs, moments euphoriques, déprimes… la palette des émotions de ce passage entre l’enfance et la maturité est extrêmement bien décrite, avec une réalité intransigeante, souvent crue et violente.

Après avoir traîner son ennui de longues journées dans la maison familiale en écoutant des disques et à lire des feuilletons et L’étranger de Camus, elle se confronte enfin à l’extérieur. Sa rencontre avec un animateur dans une colonie de vacancers va entrouvrir la porte de ses interrogations. Sa première fois. Heureuse de l’avoir fait mais décontenancée. Pas de plaisir. Le vide n’est pas comblé.

Alors qu’elle est devenue – symboliquement – femme, ses règles s’interrompent. Non qu’elle soit enceinte, mais son corps réagit. La révélation qu’elle attendait ne s’est pas accomplie, c’est la désillusion, Anne retourne à sa solitude : «  Ça ne vaut plus le coup d’avoir mes règles. Ma tante a dit t’as perdu ta langue, Anne ? T’étais plus causante avant. C’était plutôt la leur de langue que j’ai perdue. Tout est désordre en moi, ça colle pas avec ce qu’ils disent. »

« Mais ils ont beau parler de ce qu’ils veulent sur l’avenir, les parents, c’est toujours l’enfance et l’arrière qu’ils représentent. »

« Un après-midi, je me suis mise à la lucarne de la piaule, je le voyais fumer sur le lit et le soleil en travers lui coupait le ventre. J’écrivais, oui, un journal intime, je décrivais sa chambre, peut-être, son sexe, avec d’autres mots, on écoutait Jimmy Hendrix, jamais je n’avais autant senti le présent et si c’était ça avoir seize ans, les jours gonflés à crier, j’étais heureuse. »

Ce qu’ils disent ou rien, roman d’Annie Ernaux, Première publication en 1977 —

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