Arcadia – Lauren Groff

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Il était une fois, dans les années soixante, un petit garçon, portant le doux sobriquet de Pouce à cause de sa petite taille, qui vivait parmi les siens dans une communauté hippie ; la bien nommée Arcadia – en référence, on suppose, à l’Arcadie de la mythologie hellénique dont parle Virgile et Ovide : à savoir un endroit privilégié peuplé de bergers vivant en parfaite osmose avec la nature.

Au fil des pages, on suit les pas de Pouce, enfant curieux, courageux et volontaire, des idéaux plein la tête, puis l’adolescent qu’il devient à l’esprit encombré de questions diverses sur la nature humaine, le monde extérieur, la folie des hommes qui les poussent à la destruction, enfin on le retrouve adulte, de plus en plus ancré dans la réalité, loin d’Arcadia, il est le père d’une petite fille qu’il élève seul, professeur de photographie, abandonné par sa femme Helle dont il est amoureux depuis toujours. Il foulera à nouveau le chemin de son paradis perdu, accompagnant Hannah, sa mère, au porte de la mort.

Arcadia était le projet magnifique d’une poignée d’Etres libres dont faisait partie les parents de Pouce, un endroit où il fait bon vivre, proche de la nature et des animaux. Un lieu de calme et de tranquillité, de solidarité, de débrouillardise. Peu de contrainte, beaucoup de liberté, énormément d’amour, de l’autosuffisance, de la musique, des échanges d’expériences et de connaisances…

Mais la réalité fauche les rêves de la communauté. Celle-ci a accueilli au fur et à mesure des années une trop grande quantité de personnes ne partageant pas toujours les mêmes idéaux : la drogue s’insinue dans la communauté, la violence apparaît, les enfants sont de plus en plus livrés à eux-même… et c’est la chute d’Arcadia.

Parachuté au Dehors, dans un monde dont il a tout à apprendre, Pouce continuera son existence en conservant fidèlement en lui les images et les gens d’Arcadia. Porteur d’une profonde humanité, il saura être au côté de sa famille pour le meilleur et pour le pire.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette fresque de Lauren Groff que j’ai découverte avec ce livre. Elle est l’auteure du roman, Les monstres de Templeton, et d’un recueil de nouvelles, Fugues, que j’ai forcément envie de lire.

« Il invente une chanson qu’il ne cesse de fredonner pour lui-même : Renouvellation, renouvellation, réparer, colmater, nettoyer, peindre… renouvellation. (…) Abe lui adresse un sourire radieux et le reprend, Rénovation, mon chéri. Mais Hannah serre Pouce et lui chuchote, Moi, je trouve ton mot approprié. Renouvellation. Réinventer notre histoire. Les doigts tendres de sa mère se posent sous son menton, et il rit, heureux de lui faire plaisir. »

« Parfois, le monde paraît insupportable à Pouce, trop plein de terreur et de beauté. Chaque jour il se retrouve écrasé par une nouvelle surprise. Dehors l’univers bat à une vitesse impossible. Il le sent tourner en vain sur lui-même. (…) Il sait que sa connaissance du Dehors est imprécise, à la fois muette et glanée ici et là. Elle se compose de tout ce qui arrive à ses oreilles, les histoires qu’apportent les gens, ce qu’il a lu. »

« Il se sentait tout tendre, sans carapace. Le canevas des histoires qui l’avaient toujours enveloppé, sa mythologie personnelle, était devenu invisible, et nul ne le connaissait ; personne ne savait qu’il était un bébé miracle, un Tom Pouce hippie, le fils d’Abe et Hannah (…). »

« Peu importe que cette histoire soit vraie. Pouce manipule les images : il sait que l’essentiel n’est pas que les histoires soient véridiques. Il comprend, avec cette impression d’un courant qui balaie une pièce, qu’en perdant ces histoires sur nous-mêmes, auxquelles nous croyons, c’est aussi nous-mêmes que nous perdons. »

Arcadia, roman de Lauren Groff, Plon, 2012 —

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