Enfances – Sempé

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Père du Petit Nicolas, illustrateur de nombreuses couvertures de la célèbre revue américaine The New Yorker, en passant par plusieurs journaux et magazines français, voilà plus de cinquante ans que Sempé nous livre ses dessins humoristiques.

Cet album-ci rassemble des illustrations anciennes, récentes et inédites évoquant l’enfance, celle de Sempé, un peu, mais surtout celle de tout le monde, ce qui explique le pluriel du titre. On se promène de page en page, tantôt le sourire aux lèvres, tantôt l’âme nostalgique, on y découvre les bêtises des enfants, l’insouciance, l’école, les copains, les entraînements de football, de danse, les cours de musique, les vacances à la mer, les balades dans les parcs des grandes villes, mais on y voit aussi l’image souvent grisâtre que renvoie les adultes, la solitude, l’ennui, les contraintes…

Dans un entretien avec Marc Lecarpentier, Sempé nous parle de son enfance et plus largement de son parcours professionnel. Tour à tour enjoué et triste, il revient sur les périodes marquantes de sa vie, pas toujours faciles. Une petite enfance pas vraiment heureuse à la maison avec des parents qui passaient leur temps à se disputer, le manque d’argent, une vie scolaire plus épanoui où il peut laisser aller son imagination, la découverte de la radio qu’il pouvait écouter des heures durant, l’orchestre de Ray Ventura, les romans de Maurice Leblanc… Sempé avait un esprit rêveur et décalé sûrement pour échapper à une existence trop morose.

L’illustration est le moyen qu’il a trouvé pour s’éloigner du réel, faire un pied de nez à la réalité et laissez ainsi vagabonder son imaginaire, qu’il a fertile. Le dessinateur se définit comme un être d’une extrême sensibilité, ce qui l’incommode parfois. C’est pourtant cette hypersensibilité et son trait élégant qui apportent autant de douceur et de finesse à ses illustrations. Un album très agréable à regarder et à lire.

« J’ai une immense admiration pour l’écrivain qui a trouvé cette formule extraordinaire : « L’homme est un animal inconsolable et gai » (…) On ne peut pas vivre si l’on n’est pas gai. Même si rien ne va, il y a la gaieté. On pourrait appeler ça la joie de vivre, la joie d’être. Et inconsolable, on l’est, on est complètement inconsolable. Je fais avec les deux… »

« Il m’est arrivé de devenir, par moments, raisonnable mais jamais adulte. Je ne me sens pas adulte. Et ce n’est pas merveilleux comme situation. Ce n’est pas aussi bien que le racontent les littérateurs : Ah, que c’est bien les gens qui restent éternellement enfants ! Non pas du tout. C’est comme les gens qui se vantent d’avoir été… pas des fainéants mais des cancres. Ça m’a toujours agacé. Il n’y a pas de quoi se vanter. »

« Tout ce qu’on a perdu, on ne le sait pas toujours, mais ça revient instantanément, les plaisirs olfactifs, l’odeur des jardins, l’odeur des plantes arrosées, et puis cette chose extraordinaire et merveilleuse que l’on sait quand on est devenu vieux : qu’on était un enfant à une époque et ça, c’est très étrange. Je suis persuadé qu’on badigeonne d’un bonheur faux les choses qu’on a connues mais que l’on ne peut pas s’en empêcher. »

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Enfances, album de Sempé, Editions Denoël-Martine Gossieux, 2011 —

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