Une chambre à soi – Virginia Woolf

Woolf
Une chambre à soi est un essai de 1929 relatant les relations compliquées entre les femmes et le roman, sujet que l’auteure a abordé dans de nombreuses conférences données à l’université de Cambridge, l’année précédant la publication de ce pamphlet.
Elle y évoque les difficultés que rencontrent les femmes pour écrire des romans, celles-ci se trouvant vite limitées matériellement. Selon Virginia Woolf, posséder une chambre à soi est indispensable pour pouvoir écrire, afin de ne pas être dérangée par la famille, les amis, et les diverses soucis quotidiens ( charge des enfants, tâches ménagères), une rente de 500 livres par an serait également nécessaire aux femmes pour se libérer de ce quotidien qui les accapare.
Du temps, de l’espace, de l’argent, voilà ce qu’il manque aux femmes de l’époque de Woolf. Cette dernière fait aussi allusion à la pauvreté d’ouverture d’esprit des femmes par manque de voyages, de flâneries, d’excursions culturelles. Elles étaient bien trop souvent confinées, isolées, par obligation morale, dans leurs intérieurs, lieux où elles se devaient d’être afin de s’occuper de leurs enfants et de leur mari.
Et quand bien même avaient-elles accès à l’écriture, elles se heurtaient sur-le-champ aux foudres et aux moqueries des hommes.
L’écriture de Woolf est enlevée, tantôt ironique tantôt agacée mais elle conserve toute sa poésie, ce qui ferait presque de cet essai, un roman.

(…) qu’est ce que la vérité ? Qu’est ce que l’illusion? Me demandais-je. Quelle est, par exemple la vérité de ces maisons, en ce moment obscures et solennelles avec leurs fenêtres rouges au crépuscule, mais qui, à neuf heures du matin, furent brutales, rouges et sordides, avec leurs transpirations et leurs lacets de chaussures. Et ce saule, et cette rivière, et ces jardins qui descendent vers la rivière et que la brume qui les effleure rend imprécis, mais que dore et rougit cependant l’éclat du soleil – où est, en qui les les concerne, la vérité ou l’illusion ?

 Enlevez toute protection aux femmes, exposez-les aux mêmes efforts, aux mêmes activités que les hommes, faites-en des soldats, des marins et des mécaniciennes et des docteurs, et les femmes ne mourront-elles pas si vite et si jeunes qu’on dira : « J’ai vu une femme aujourd’hui », comme on disait autrefois : « J’ai vu un avion ». Tout pourra arriver quand être une femme ne voudra plus dire : exercer une fonction protégée, pensais-je, ouvrant ma porte.

Les difficultés matérielles auxquelles les femmes se heurtaient étaient terribles ; mais bien pires étaient pour elles les difficultés immatérielles. L’indifférence du monde que Keats et Flaubert et d’autres hommes de génie ont trouvée dure à supporter était, lorsqu’il s’agissait de femmes, non pas de l’indifférence, mais de l’hostilité. Le monde ne leur disait pas ce qu’il disait aux hommes : écrivez si vous le voulez, je m’en moque…Le monde leur disait avec un éclat de rire : Ecrire ? Pourquoi écririez-vous ?

Une chambre à soi, essai de Virginia Woolf, Editions 10/18 —

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