Tout le bonheur du monde – Claire Lombardo

La famille Sorenson, une tribu attendrissante aux histoires foisonnantes. Une famille nombreuse – plus ou moins heureuse – dans tous ses états ; ses éclats, ses joies, ses secrets, ses souffrances, ses folies, ses reflets flous. Quarante ans de vies virevoltantes à souhait, autour de Chicago, et de l’arbre familial, un Ginkgo centenaire qui se dresse fièrement au milieu du jardin. Il abrite et scelle l’amour incommensurable de David et Marilyn. Un amour intense qui fait souvent de l’ombre aux quatre filles du couple. Les 700 pages filent à une vitesse folle, on s’attache aux personnages, et comme eux nous surfons sur les vagues – à l’âme, les débordements d’émotions, les rebondissements -. Au fil des chapitres, des flash-back (des années 70 à nos jours), le puzzle familial se constitue, levant le voile sur les traumatismes, nos incompréhensions, nos colères, nos agacements sur certaines réactions. Marilyn et David s’aiment follement, il deviendra médecin, elle arrêtera ses études pour élever leur quatre filles, Wendy, Violet, Liza et Grace. Autant de vies faites de hauts et de bas ; des amours naissants, des mariages, des grossesses, des séparations, des dépressions, des maladies, des deuils, des abandons, des regrets, des rêves, des renoncements, des mensonges, des trahisons, des attentes… Des enfants qui ont du mal à trouver leur place dans la fratrie et face à leurs parents fusionnels. Des liens qui se tendent et se distendent, des relations complexes, des jalousies, des différences sociales… L’arrivée de Jonah, jeune homme de seize ans – que l’une des filles a abandonné bébé – va bouleverser cette famille – dans le bon sens du terme. En les mettant face à leurs contradictions, en agitant d’anciennes querelles, en posant un regard neuf juste et sincère sur chacun de ses membres. Une saga à dévorer, tendre et drôle – cynique parfois – infiniment touchante. Un premier roman prenant, à la construction habile et à l’écriture enlevée, pour notre plus grand bonheur. Claire Lombardo, une conteuse sur laquelle la littérature américaine peut désormais compter!

« Elle vit qu’il se faisait violence, même pour un acte aussi banal. Elle finirait par trouver sa réserve délicieusement charmante, le plus souvent. Il n’y eut pas de décharge électrique lorsqu’elle lui serra la main, pas de transfert d’énergie, juste une agréable chaleur, la douce pression des doigts de David autour de son poignet. Son pouls sous sa peau ; cette main qui s’ajustait parfaitement à la sienne. »

« Il avait besoin d’une pause. D’une minute sans que mille personnes lui parlent en même temps. Les Sorenson produisaient un chaos très différent de ce à quoi il était habitué. C’était sans doute la conséquence de leur richesse, mais aussi de la tension entre les différentes personnes à table, avec ces grimaces qui signifiaient quelque chose pour l’un et rien pour les autres, des détails qui provoquaient des éclats de rire chez Wendy mais ne paraissaient pourtant pas drôles. Sans compter la façon dont David et Marilyn étaient toujours en contact, la main de Marilyn sur celle de David, ou le bras de David sur la chaise de sa femme. »

« Le mariage, avait-elle compris, était une lutte de pouvoir étrangement plaisante à base d’ego en friction perpétuelle et d’humeurs contradictoires : protection et réciprocité. Marilyn était capable de mettre sa personnalité en sourdine pour laisser briller David. Elle ne s’autorisait à se sentir confiante et pleine d’entrain que lorsque David était angoissé et pessimiste. S’il avait un sujet d’inquiétude, alors elle n’avait plus le droit d’être inquiète. »

Tout le bonheur du monde, roman de Claire Lombardo, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux, Rivages, avril 2021 —

6 commentaires sur “Tout le bonheur du monde – Claire Lombardo

  1. Je lis de plus en plus de billets alléchants sur ce livre, dont le tien, très attirant… Je vais essayer d’attendre la sortie poche quand même.

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