À peine soufflées ses sept bougies, Élizabeth se retrouve sur le podium d’un concours de Mini-miss. Jusqu’ici princesse jolie de sa mère, elle devient Reine de beauté version miniature – une malchance pour elle de remporter le prix ce jour-là… Durant cinq années, elle foulera chaque week-end, de ses pieds traînants, tous les parquets des vieux châteaux et autres salles des fêtes de Floride. Une enfance délibérément volée par sa « reine-mère » – possessive fanatique toxique – et son « valet » de père – indifférent imperméable apathique -. Instrumentalisée, heurtée dans sa chair, son corps tout entier, Élizabeth n’aura de cesse de ruminer sa vengeance envers ses parents au fil des années. Elle disparaîtra de leur vie pour mieux réapparaître une décennie plus tard transfigurée, méconnaissable. Et c’est à travers son journal trash à souhait qu’elle raconte, à nous lecteurs, – des témoins qu’elle interpelle régulièrement – son cheminement de femme entre désir de revanche et quête de reconstruction, entre tristesse et colère, entre rêve et obsession, entre amour et haine de son corps, entre réalité et apparence. Au fur et à mesure des pages, ce corps soumis aux regards dès l’enfance, se meut à l’envi : beau, lisse, fin, gras, musclé, vigoureux, façonné, puissant, solide, affaibli, torturé, dénaturé, laid. Élizabeth le tord jusqu’à le briser. Sous le vernis, un cri continu. Un mal-être profond. Le traumatisme d’une petite fille à jamais refermé. Une histoire crue- cruel, une satire du culte du corps et d’une société tournée vers l’apparence. Une lecture douloureuse, tragique, cynique. Dérangeante. On en sort groggy. Un roman uppercut.
« Depuis le jour de mes sept ans, mon corps et moi faisons chambre à part. L’éloignement s’est fait progressivement. Nous nous sommes séparés car pour rester bien dans ma tête, il fallait que le jugement des autres sur ma peau ne me concerne plus. »
« Des seins, des sens et des poils, voilà ce qui tombe sur le corps d’une adolescente. Du sang, voilà ce qui tombe du corps d’une adolescente. La belle affaire, on a déjà beaucoup de choses à gérer, on est débordée, devoirs scolaires, alimentation, ambiance à la maison et paf voilà plein de gros dossiers sur le bureau. »
« Tu sais quoi, t’as qu’à l’écrire, ta vie, les gens adorent ça, lire les malheurs des autres, ça les fait bander de voir combien les autres ont dégusté. Elizabeth Vernn à l’infini, voilà le titre de tes mémoires, de mini-miss à mini-monstre. Tu va faire un carton. Pauvre petite fille, papa maman méchants avec moi, alors moi me faire vengeance. Moi, toute musclée, moi plus belle du tout. Oui, j’étais trop belle, c’était mon problème vous comprenez. Oh, mais c’est grave tout ça, vous voulez en parler. Oui oui, j’ai écrit un livre pour tout expliquer. Passionnant, je vais l’acheter, ça me changera d’Alexandre Dumas. »
— Florida, roman d’Olivier Bourdeaut, éditions Finitude, mars 2021 —
Je ne comprendrai jamais ce qui pousse des parents ( surtout des mères) à exposer ainsi leurs enfants. Je déteste ce monde là.
je pense au livre « Les enfants sont rois » de Delphine De Vigan qui vient de sortir qui parle aussi des dérives de ces dernières années..
merci Nadège, je lirai certainement ce livre.
Il m’attire de plus en plus ce roman.
c’est le deuxième avis très positif que je lis, noté!
Un sujet qui me révolte, celui du concours de ces mini miss et de leur enfance détruite, de ces regards malsains sur des enfants travestis en adulte. Je comprends que ce soit un roman uppercut, qui remue et que l’on n’oublie pas. Je le note. Merci d’en avoir parlé Nadège avec tes mots toujours justes, sensibles. Je t’embrasse. Grand soleil en Bretagne !
J’ai adoré » en attendant Bojangles » .. celui-ci vient d’attérir sur ma pile à lire .. hâte de le commencer! Merci pour votre article!