Tenir debout dans la nuit – Éric Pessan

Si petite, insignifiante, perdue au milieu de New-York, de la foule noctambule éclairée par les néons publicitaires, les phares, les lumières crues, Lalie marche droit devant. En fuite. Sous le choc. En lutte avec elle-même. En tête, l’obsession de tenir debout. Avancer, ne pas flancher. Malgré les dangers, l’insécurité, ces gens qui la regardent passer. Qui ne la connaissent pas, ne savent pas d’où elle vient. Son téléphone, ses papiers sont restés avec lui, là-haut. Avec ses mots à elle. Lalie seize ans ne parvient pas à formuler ce qu’elle vient de vivre. Ses seuls compagnons sont un recueil de poème de Carver et un appareil photo. À la confusion de l’instant – peur honte tristesse colère mêlées – se juxtaposent des gestes des comportements anciens : la domination de certains garçons, la phrase assassine d’une institutrice, les violences verbales quotidiennes, le corps féminin que l’on prend soin de dissimuler jusqu’à l’effacer… Elle n’a rien vu venir pourtant. Elle connaît Piotr depuis l’entrée au collège, ils sont camarades, pas plus pas moins, elle admire sa famille – beauté classe assurance richesse -. Lalie elle, vit seule avec sa mère, son père a quitté le domicile conjugal, elle n’était qu’un bébé. Chez elle, les fins de mois sont difficiles, la vie est terne – comme sa mère. Alors quand Piotr lui propose de partir à New-York pour les vacances de Pâques avec sa mère qui y travaille, Lalie est sur son petit nuage. Seulement, dès le premier soir, elle se retrouve seule avec Piotr dans un petit appartement ; la mère a rendez-vous à l’hôtel avec son amant… Piotr s’approche de Lalie, son visage est transformé. Elle n’a rien vu venir. Toute la nuit, elle marche. Un cheminement intérieur salvateur, des rencontres, des images qu’elles figent avec son appareil photo, des poèmes dont elle s’imprègne. Pas à pas, elle reprend le contrôle, s’ancre à nouveau. Debout, toujours. Un roman sur le consentement d’une justesse implacable, fort, nécessaire. À glisser dans toutes les mains adolescentes, filles et garçons. Et quand c’est NON, c’est NON!

« J’ai lu des articles, j’ai discuté avec des amis, j’ai écouté certains profs plus courageux que d’autres en parler, j’ai vu des films, j’ai lu des livres. Et je n’ai rien vu venir. Ou plutôt, non : j’ai tout vu venir, les signes étaient là, sous mes yeux, j’ai tout vu venir, mais j’ai refusé de penser que cela pouvait m’arriver à moi parce que je voulais passer des vacances sur l’autre rive de l’océan. J’ai refusé de voir. Mais quelle conne! »

« Quelque chose m’a été arraché. Mon souffle. Ma joie. Mon élan. Je suis incomplète. Comment faire pour me retrouver? »

« À cause des garçons, j’ai arrêté de porter des robes dès le CP. Pas à cause de tous les garçons, juste de ceux qui trouvent marrant de jouer à soulever les robes des filles pour connaître la couleur de leur culotte; Je me souviens très bien d’être rentrée à larmes un soir à la maison, maman m’avait questionnée jusqu’à ce que je raconte ce qui s’était passé. Elle avait prit rendez-vous avec l’institutrice, qui n’avait rien trouvé d’autre à répondre qu’à cet âge-là ce n’est pas bien grave. »

« L’un des deux marmonne une chose trop vite pour que je la saisisse, ils rient mais sont nerveux, et moi, je me sens hors de moi, alors je continue de m’énerver, je leur dis que j’en ai marre des phrases, des regards sur mon cul, des sifflements, des rires; J’en ai marre des plaisanteries, des faux compliments scabreux. « 

Tenir debout dans la nuit, roman d’Éric Pessan, dès 13 ans, collection Medium+, L’école des loisirs, mars 2020 —

2 commentaires sur “Tenir debout dans la nuit – Éric Pessan

  1. Un livre essentiel car c’est un sujet dont il faut parler et ce dès le collège, pour les filles comme pour les garçons et tu l’as parfaitement dit, le consentement c’est respecter l’autre et se respecter soi. Le non c’est non et c’est très important de l’expliquer aux adolescent(e)s. Merci d’avoir parlé de ce roman Nadège. Je te souhaite une belle soirée !

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