Passer quelques jours ensemble en Italie, à Turin, s’embrasser enfin à pleine bouche devant les gens, glisser leur main l’une dans l’autre et flâner dans les musées les rues à la terrasse des cafés, ne plus se soucier de l’heure et se laisser aller à s’aimer ; elle l’avait tant espéré, ce voyage avec lui. Mais il suffira d’un message, sur un écran froid, pour transformer l’ivresse en mélancolie. Un empêchement une entrave, le décès du père de Sarah, sa femme. Elle partira quand même. Sans lui, mais pas vraiment seule : dans ses bagages, des livres – ne les lira pas – la robe qu’elle avait sciemment achetée – la mettra-t-elle? -, ses années enfuies, ses quarante ans, son divorce, ses émotions à fleur de peau, son amour immense pour son fils, ses désirs, ses désillusions, sa rencontre avec Pierre quatre ans en arrière – leurs instants à eux, précieux, sur le fil toujours, avant le jour -. Et cette incertitude sur ce sentiment amoureux, sur cet homme aux deux visages – aux deux vies -, peut-elle se satisfaire, aujourd’hui encore de cet amour? De ce lien extensible? De cette autre femme, dans son ombre à lui? L’aime-t-elle au point de continuer ainsi, à dissimuler, à taire? À garder pour elle, le grand secret de ce grand amour? Est-ce cela sa vie désormais ; élever son fils un jour sur deux, aimer un homme à partager… mais aussi avoir un métier qui lui plaît, des amis sur qui compter comme sa chère Marie? Quelques jours en Italie pour laisser libre cours à ses pensées les plus intimes, à ses tourments, à ses tâtonnements ; un cheminement nécessaire vers une réponse qu’elle seule peut trouver. J’aime follement ce roman. Des sentiments à nu, sans fioritures. L’amour dans son entièreté. Le temps qui passe. L’enfant qu’on élève – qui nous élève aussi. Un choix de vie assumé. À l’écoute de son – ses – désirs, toujours.
« Je veux tout parce que c’est la seule manière que j’ai de vivre, me glisser dans les cris des autres. Juste parce que, moi, je ne sais pas faire, crier. À quel moment est-ce que j’ai compris ça, qu’il me faudrait lire, beaucoup, pour toutes les vies que je n’aurai pas? Moi, si j’étais une autre, si j’étais cent autres, je danserais sous l’orage. Je quitterais la route et je ne rentrerais pas. Je trouverais un hôtel à l’autre bout du monde et je changerais de prénom un peu tous les jours. »
« J’ai grandi quand Lucas grandissait. Je ne dis pas « vieilli », bien que ce soit le cas, je veux dire j’ai grandi, avec lui. Il m’a portée, plus haut, il a consolidé mes os, nourri mes jours. Lorsqu’on s’est retrouvé tous les deux, juste lui et moi, il avait dix-huit mois à peine. Le dimanche matin, il venait me rejoindre dans mon grand lit. Le soleil se levait. C’était des matins délicieux. On chuchotait. Il venait avec son oreiller, son doudou, et puis des livres que je lui racontais. »
« Parfois, je me dis que depuis le tout premier jour, je l’aime. Je n’ai rien décidé, je l’aime. Je savais que ce n’était pas une bonne idée, je me doutais qu’il avait quelqu’un : je l’aime quand même. Jamais je n’aurais une nuit entière, jamais sa main dans la mienne dans la rue, jamais nos bouches qui s’embrassent devant des gens : je l’aime quand même. J’avais une capacité inouïe à me mentir, à m’inventer un amour. »
« Ils arrivaient quelques minutes avant lui, ils le précédaient toujours, c’étaient les mots du désir, ils marchaient avec lui, ils couchaient avec moi, ils remplissaient l’espace. Je me rendais compte que j’avais cherché cela une bonne partie de ma vie : un corps et puis des mots. Un jour arrive dans votre vie un homme auquel vous êtes capable de donner ce qu’il y a de plus intime encore que votre peau nue – et ce sont vos mots. »
— Avant le jour, roman de Madeline Roth, La fosse aux ours, janvier 2021 —
J’aime vraiment ton article 🙂 merci !
L’autrice a une écriture sensible et authentique, brute. J’aime beaucoup!
ne serait-ce que pour l’Italie, je note !
ah oui!! Moi aussi j’aime ce pays…
L’Italie est un pays que je rêve de visiter. J’aime leur culture, leur langue, leur cuisine, tout ce qui fait la beauté de ce pays. Un roman qui m’a l’air touchant et une nouvelle fois ton ressenti, ta sensibilité nous donnent envie de découvrir ce roman. Merci Nadège !
Je suis allée en Toscane à 15 ans, depuis je rêve d’y retourner… Un très joli texte.
ça doit être magnifique la Toscane ! Je rêve d’Italie depuis toujours. Un jour je me ferais ce plaisir. 😊
J’avais vu passer ce livre sur Insta, et ton billet m’a convaincue 😉
Très beau roman, qui touche et résonne.