
L’écriture d’Alice Parriat est comme la forêt qu’elle décrit ; belle mystérieuse dense généreuse envoûtante. Une forêt que Volga, une jeune fille de dix-sept ans, aime sillonner depuis sa petite enfance. Sentiers, rochers, ruisseaux, arbres, animaux, odeurs, chaleur, froidure cachette ; elle connaît tout ce qui la compose et la redécouvre pourtant à chaque fois. La forêt est changeante, en constante métamorphose. Comme elle. Comme l’adolescence et ses soubresauts. Cet hiver-là, alors qu’elle se promène avec sa mère, elle trouve l’empreinte d’un loup – ou d’une louve. Et bientôt au lycée, non loin de son village entouré de montagne, une nouvelle élève, Madeline, arrive dans sa classe : elle a des yeux de loup. Son regard, ses gestes, son esprit, son corps tout entier la fascinent. Et l’attirent. Mais Madeline est rejetée – voire harcelée – par bon nombre de lycéens, car son père est le nouveau propriétaire de la scierie – qui fait vivre la population environnante – et envisage un plan de licenciement. La grogne sociale ne se fait pas attendre. Volga se trouve alors en porte-à-faux entre ses amis qui suivent le mouvement de la révolte et Madeline qui devient son amie, son amante. Volga l’emmène découvrir la forêt et Mado l’entraîne elle, sur des chemins littéraire foulés par des poétesses. Une rencontre intellectuelle et sensuelle, belle et secrète renversée par un drame qui les éloignera l’une de l’autre. Un roman captivant proche du nature-writing.
« Même si Tu es loin, je Te regarde, Même si Tu es loin, Tu restes mienne Comme une présence qui ne peut pâlir. Comme mon paysage, Tu entoures ma vie. »
« Pour qui la connaît mal, la forêt est aussi sournoise qu’un labyrinthe. Ses sentiers tortueux bifurquent et s’entortillent, débouchent sur un rocher, un ruisseau, un ravin. La sève des résineux vous ensorcelle les sens. Cette branche qui craque et chuinte, ce bosquet qui chuchote, que dissimulent-ils? Une taupe? Un engoulevent? Ou simplement la bise joueuse riant sous cape? Certains jurent d’avoir vu des spectres rôder au crépuscule entre les ombres, à l’affût d’une proie…«
« J’ai agrippé ses doigts. Je les ai serrés jusqu’à ce que sa paume adhère à la mienne et que nos jointures craquent. Jusqu’à ce que je sente son pouls s’harmoniser au mien. Comme si c’était la première fois. Comme si c’était la dernière. Devant mes yeux, les images des mois écoulés défilaient à toute allure. Notre rencontre, nos tâtonnements. Nos coups d’œil à la dérobée et nos conversations entrecoupées de rires ; la manière dont on s’était apprivoisées, petit à petit, parce qu’on était toutes les deux des filles sauvages ; la manière dont on s’était aimées, à bout de souffle, parce qu’on ne savait pas faire autrement. »
» Tout à coup, les reliefs du carnet ont frémi sous mes doigts. Je n’avais jamais songé à écrire un jour. Mes histoires, je les partageais avec ceux que j’aimais, pour le plaisir, pour la saveur des mots roulant hors de ma bouche et le frisson qu’ils me procuraient. Des illusions glanées au gré de la rivière, au rythme des saisons et des rêves infusés dans son eau toujours trop froide. Il fallait les polir, jour après jour, leur offrir un écrin afin de les faire briller dans les yeux des autres. »
— Des yeux de loup, roman d’Alice Parriat, dès 13 ans, Médium +, L’école des loisirs, janvier 2020 —
cela donne envie de découvrir son écriture!
Une très belle plume.