1951, dans le sud profond des États-unis, Sarah se retrouve seule avec le fils de son défunt mari. Chômeur, alcoolique, ce dernier s’est éteint brutalement, la laissant sans ressources et malhabile à élever le petit garçon de sept ans. Le manque d’affection de sa propre mère durant son enfance remonte à la surface. Ses mots méchants humiliants et rabaissants l’assaillent et résonnent si fort que Sarah se sent complètement désarmée. Elle ne sait pas ce que c’est d’être une bonne mère… L’angoisse féroce de ne pas pouvoir nourrir, vêtir, éduquer l’enfant dont elle est désormais l’unique famille, la peur et la culpabilité de ne pas percevoir en elle l’instinct maternel, l’envahissent et la font presque vaciller. Mais une force intérieure la pousse à avancer, à bousculer ses craintes, à se faire violence pour subvenir aux besoins et aux désirs de cet enfant, qu’elle aime tellement, sans en avoir conscience. En plus de coudre des robes qu’elle vendra, elle achètera un veau pas encore sevré à un riche éleveur et inscrira le garçon à un concours bovin – comptant sur le gain de 680 dollars remis au gagnant -… Dès le lendemain, Sarah découvrira la maman vache auprès de son petit. Celle-ci aura parcouru des kilomètres pour le retrouver. Ce geste d’amour maternel libérera les émotions enfouies de Sarah. Elle achètera la vache, lui donnera un nom, lui parlera et apprendra d’elle des choses insoupçonnées.
Profondément humain, ce roman sensible et généreux possède une large palette de couleurs et de sensations. Des contrastes sociaux saisissants, des évocations sur la transmission père-fils de valeurs viriles dominantes et malsaines ; des réflexions sur l’attachement maternel, sur la condition animale, sur la confiance en soi ; et des paysages des visages des voix du passé du présent qui se répondent et s’éclairent.
« Un frisson traversa le corps de Sarah. La maman vache s’était échappée pour retrouver son veau. Sarah avait pris son enfant. Elle recula d’un pas. Comment avait-elle pu faire cela? La vache fixait Sarah du regard avec de grands cercles d’un brun doux, accueillants et non réprobateurs. La vache se mit à mâcher, en rythme, lentement et sûrement. Sarah reconnaissait ce rythme. C’était celui de son bras, quand elle mélangeait un pot de gruau. C’était le rythme de l’amour. »
« Tu as commencé à m’apprendre. Pour mon garçon. Je peux te le dire, ma fille? Je ne connais pas ton nom. Quel est ton nom? Le mien, c’est Sarah. Je suis ressortie pour te remercier. Ça fait six jours maintenant que je dois être sa maman pour de bon. Mais est-ce que je peux te dire quelque chose? Je ne sais pas comment être. Je voudrais ne pas murmurer, mais ces mots-là – être une maman – ils m’effraient. Je suis perdue, tu vois si toi et moi étions un long morceau de tissu, tu serais à un bout et moi carrément de l’autre côté de la terre, à essayer de me cramponner, à un pauvre bout de rien du tout. Car si toi t’es une bonne maman, moi je suis… Je ne sais pas comment être une maman. »
» Je crois qu’il est temps qu’on commence à s’appeler par nos prénoms, dit-il. Qu’en pensez-vous, Sarah?
Le son de son prénom eut l’effet d’une déferlante sur elle, pas du genre de celle qu’elle avait ressentie quand elle avait vu Harold pour la première fois. Celle d’Harold avait à peine ridé la surface de sa peau comme un pied d’enfant courant dans un champ fraîchement labouré, son poids léger dérangeant à peine la terre chaude. Mais celle-là avait profondément remué le sol labouré qui était caché pour le remonter en haut à la lumière. «
— Mama Red, roman de Bren McClain, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie Bisseriex, éditions Le Nouveau Pont, octobre 2019 —
Nornalement, je ne suis pas attirée par ces histoires d’Amérique profonde… mais là, pourquoi pas…
Comme toi, je lis très peu ce genre de livre… Ce roman m’a touchée, il est vraiment très beau, délicat et pertinent.
Ton texte est beau Nadège et ce livre a l’air touchant, sensible, délicat. Merci. Bises bretonnes 😊
Un roman que l’on a très peu vu sur la blogosphère, c’est dommage. Il est très beau.
Oui il y a des livres magnifiques qui ne trouvent malheureusement pas leur public. Je le regrette aussi. Heureusement les blogs permettent de les mettre en lumière. 🙂