Ce qu’il était ; Marwan, vingt-neuf ans, professeur agrégé d’histoire-géographie, bien dans sa peau bien dans sa tête avec parfois des doutes des peines des hésitations des emballements comme tout un chacun, un amour des amis des voyages, deux frères – Ali avocat, Foued étudiant -, des parents qui s’aiment et adorent leurs fils, tous deux marocains arrivés en France dans les années 60. Ce qu’il est : un homme français, parfaitement intégré grâce à la bienveillance et à la prévenance de son père – garagiste à Clichy – et de sa mère. Ce qu’il est aujourd’hui : un type qui vient de subir une rupture amoureuse. Ce qu’il est le lendemain : un fils dont le père succombe à une crise cardiaque.
Après la sidération de sa mort, le manque se fait sentir, glacial. Le tourment s’immisce dans son esprit – toutes ces choses qu’il aurait aimé lui demander… – La peur d’oublier, de voir s’effacer au fur et à mesure des années ce qu’était ce père tant aimé. Et soudain le choc, la confusion, l’embarras : l’homme avait pris ses dispositions, il sera enterré sur la terre qui l’a vu naître, le Maroc. Et Marwan est chargé de l’accompagner dans l’avion – le reste de la famille descend en voiture – vers ce pays quasi inconnu. Un endroit étranger, pour lequel il ne ressent aucun attachement.
Et pourtant ses émotions vont prendre des chemins de traverse insoupçonnés. Un vieil ami de son père et sa grand-mère remonteront le temps. L’histoire racontée éclairera bien des choses dans la vie de Marwan. Des choses qu’il n’avait jusqu’à alors pas compris sur les relations fraternelles, filiales, amicales, amoureuses, sur les sentiments de culpabilité et de honte, sur son rapport à la France et au Maroc. En levant le voile sur l’histoire familiale, il découvre un pays, il redécouvre un père. Son identité se révèle alors plus complexe. Marwan prend conscience de son héritage, de l’importance de ceux qui l’ont précédé – de la souffrance lié au déracinement aux histoires intimes, et à leurs répercussions inévitables -.
Un roman beau tendre émouvant, plein d’amour et non dénué d’humour. Une écriture d’un naturel désarmant aux dialogues savoureux. Tout au long du cheminement de Marwan, le lecteur avance avec lui dans une empathie totale. Remarquable!
« Il va me manquer, mon père. On m’a enlevé une partie de moi-même, une partie que je ne retrouverai jamais. Il n’est plus là. Il ne reste que l’absence. Et désormais nos vies passeront sans lui. Finalement grandir c’est ça ; c’est perdre des morceaux de soi. »
« Je suis né en France. Je n’ai jamais vécu au Maroc. Je ne me sens pas marocain. Et pourtant, où que je sois, en France ou au Maroc, je n’ai pas le choix de ma propre identité. Je ne suis jamais ce que je suis, je suis ce que les autres décident que je sois. »
« Pourquoi ne l’ai-je jamais questionné sur son pays? Je ne sais pas. J’avais honte ; de cette honte qui donne honte d’avoir honte. Comme lorsque je disais à mes camarades que ma mère était caissière alors qu’elle empilait des boîtes de conserve au supermarché. Mensonges minables de ceux qui ont vraiment la honte. J’aurais pu raconter qu’elle était secrétaire ou employée de mairie, mais on aurait tout de suite démasqué la supercherie. Alors que caissière, c’était suffisamment modeste pour être plausible et alléger ma honte. »
« – Il y a deux sortes de souvenirs Marwan, ceux que l’on a de quelqu’un et ceux que l’on a avec quelqu’un. Les plus importants sont les deuxièmes. »
— Ceux que je suis, premier roman d’Olivier Dorchamps, éditions Finitude, août 2019 —
Il doit être très touchant ce livre. « Ceux que je suis », le titre me plais beaucoup et ta chronique également Nadège. Bises bretonnes ensoleillées aujourd’hui encore 🙂
Un coup de cœur pour moi, vraiment. Bises.