Les plumes d’Asphodèle (5)

petitefillearrosoir.jpg                                           La petite fille à l’arrosoir – Renoir – 1876

Lily s’éveille

C’est le chant des oiseaux qui la réveilla ce matin-là. Dehors, la neige avait enfin disparu pour laisser place à un joli tapis de verdure. C’était le temps du renouveau. Lovée dans sa couette rose et mauve, Lily ouvrit un œil puis l’autre. Avec ses petits poings fermés, elle les frotta fort. La lumière passait à travers les persiennes, chassant le noir mais piquant ses yeux. Lily avait bien dormi. Le train du sommeil l’avait embarquée de bonne heure hier soir. Elle se sentait en pleine forme. Comme toujours, elle partit à la recherche de Joe, son doudou. Où était-il aujourd’hui ? Au fond du lit ? Sur la table de nuit ? Sur le sol ? Sous l’oreiller ? Bizarrement, elle le trouva sur le rebord de la fenêtre… comment avait-il pu voler jusqu’ici ? Il avait dû se lever tôt pour assister au réveil du soleil ! Lily le prit vivement par une des ses pattes, d’ours, et lui enfila sa combinaison de velours vert sapin. Puis elle revêtit sa robe de chambre adorée, avec une licorne cousue dessus. La maison était silencieuse : normal, il n’y avait ni école ni travail, on était dimanche. C’était grasse matinée obligatoire ! Elle savait que ce jour-là, il fallait laisser ses parents dormir. Elle tira doucement le rideau. Mais ne toucha pas aux volets, elle ne devait pas ouvrir la fenêtre. Une chute était si vite arrivée ! Elle avait hâte de grandir  pour ne plus avoir ce genre d’interdictions.

Tout d’un coup, elle eut une idée. Comme une grande, elle allait descendre dans la cuisine, préparer le petit-déjeuner et l’apporter à ses parents sur un plateau… Doucement, elle tourna la poignée. Fit une grimace lorsque la porte grinça, retint sa respiration, et attendit. Ouf, le bruit n’avait éveillé personne. Elle sortit de la pièce et délicatement posa ses pieds nus sur les marches de l’escalier en veillant à ne pas les faire craquer. Lily avança à tâtons, il faisait sombre. Son ombre gigantesque se dessinait sur le mur. Heureusement, elle n’était pas seule. Joe était là. Blotti contre son cœur. Arrivée en bas, le ding dong de l’église annonçant huit heures la fit sursauter. Quelle fanfare ! Ces cloches de malheur avaient bien failli réveiller toute la maisonnée avant qu’elle n’ait pu faire sa surprise de grande fille.

Elle n’avait pas traîné. Vite avait tout préparé ; attrapé les bols et les verres, versé le café et le jus d’orange, tartiné quelques biscottes avec de la confiture, et hop avait entamé le chemin inverse. À plusieurs reprises, le plateau vacilla sur les petits mains tremblantes de Lily mais, grâce à Joe qui l’équilibrait, il n’y eut pas de casse. La porte de la chambre parentale était restée entrouverte, la fillette la poussa et posa délicatement le petit-déjeuner sur le lit. Elle s’approcha pour mieux voir le visage de ses parents mais il n’y avait que sa maman. Endormie. Ni une ni deux, Lily alluma la lumière. Sa mère, réveillée brusquement, s’écria : « Mais qu’est-ce qui se passe ? Éteins vite cette lampe ! » « Maman, papa a disparu, regarde, il n’est pas à côté de toi ». Lily était toute perdue. Elle s’était tellement concentrée et avait affronté avec courage sa peur du noir… « Oh, ma puce, ne t’inquiète pas. Papa a eu une insomnie, alors pour ne pas me gêner, il est allé dans le bureau ! Va le chercher, il a dû s’endormir sur le sofa. » Lili se précipita dans le couloir et revint dans les bras de son père quelques minutes plus tard.

La petite famille s’installa sur le lit et savoura le bon petit-déjeuner plein d’amour préparé par Lily. «Mais le café est froid, Lily » avait dit sa maman. « Ben oui, je n’ai pas le droit de me servir de la cuisinière ! »

lesplumesd'asphodèle

Les mots à insérer dans le texte étaient : Oiseau – fanfare – soleil – rideau – combinaison – verdure – café – insomnie – renouveau – velours – sommeil – sursauter – sortir – savourer

Les textes des autres participants sont chez Émilie.

19 commentaires sur “Les plumes d’Asphodèle (5)

  1. une belle histoire d’amour, comme il en existe quand les enfants sont petits. el bonheur quand je me rappelle ce temps-là ! Tiens, mon cadet a 41 ans aujourd’hui ! Voilà qui me rajeunit d’un coup et m’ébaudit en même temps ! Quoi ?

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