La peinture de Waterhouse en couverture sied merveilleusement à ce roman. Il s’en dégage, outre le parfum des roses – présence bienfaisante de la nature -, romantisme et lyrisme, grâce et délicatesse, langueur et mélancolie.
Magnifica pourrait être cette jeune fille en fleur, à la peau laiteuse, aux joues roses. Les yeux clos, elle se remémore les souvenirs liées aux femmes de la famille avec leurs fragilités leurs forces leurs chagrins leurs sourires et leurs craintes.
Quand on entre dans le roman, Andréa le fils de Magnifica disparait. Le jeune homme quitte la maison où vivent sa mère et sa grand-mère Ada Maria. Pour vivre sa propre vie. À l’écart de ces femmes et de leur histoire. Avant de partir, il laisse en cadeau à Magnifica, un stylo et des lettres couvertes d’interrogations.
Il est temps de délier ce passé, de dénouer les histoires d’Ada Maria, de Térésina, d’Eufrasia. Remonter le temps, le fil des événements, faire revivre les morts pour se délivrer de poids, raviver les amours – l’amour heureux l’amour malheureux, l’amour charnel, l’amour fraternel, l’amour filial – , retourner, en songeant, dans le petit village des Abbruzes qui l’a vu naître. Faire couler l’encre de ce stylo pour chasser la mélancolie. Laisser courir son histoire sur le papier. « Dans l’attente, dans l’espérance. »
Ainsi s’effilent les existences d’Eufrasia, la grand-mère de Magnifica, d’Ada Maria, sa mère, de Térésina la maîtresse de son père Aniceto, de Pietrino, son frère, de Benedikt, son père. Fil à fil, Magnifica recoud les existences.
Les sentiments et les passions resurgissent. Et au milieu, Magnifica… La tristesse et la lassitude d’Eufrasia face à Aniceto que la guerre a rendu détestable, la tendresse d’un frère, la haine et l’apaisement envers celle qui remplace une mère, les deuils, les mariages, les naissances, les bouleversements et les tourments amoureux, le cycle des saisons, le temps qui file, des forces insoupçonnées, les traces indélébiles de la guerre, la mémoire d’un père parti trop vite, une forêt de hêtres, des papillons, une grotte, un cabanon, un décor de conte de fée, des épreuves qui terrassent, l’amour qui élève…
Un roman beau et prégnant.
« Que se passe-t-il quand une guerre se termine? Qui le sait vraiment? Il faut le vivre et le voir pour pouvoir le dire. Parfois Magnifica, lorsqu’elle est épuisée, éreintée, à bout de forces, ferme les yeux et se représente l’espérance qui grandit dans un mois lointain, indéfini, à mi-chemin entre mai et juin. Quelques acacias résistent mais c’est l’odeur de gravats, de pierre, de sable, de terre meuble et de ferraille qui domine. Les décombres engloutissent les derniers îlots de la peur. Au coeur du néant, l’espérance n’a pas de corps ; nul ne peut toucher, nul ne peut s’agripper à l’une de ses mamelles et aspirer un colostrum qui nourrisse l’avenir. Pourtant l’espérance est perceptible. Elle avance pieds nus. S’habille d’absences. Susurre des voeux. Respire aux côtés de ceux qui ont faim de vie. Que les morts reposent en paix. Il n’y a rien d’autre à faire. Sinon inventer un commencement. »
« Ce fut un été généreux. Le soir, les villageois s’attardaient volontiers sur le pas des portes, juchés sur des bancs, des tabourets, des pierres. Les lampadaires étaient rares, aussi pointaient de partout des bougies qui assuraient une clarté suffisante pour rester longtemps dehors ; à bavarder, écosser des haricots, réfléchir. Il suffit d’un souffle et tous surent, en un éclair et avec certitude, qu’Ada Maria attendait un enfant du soldat allemand. La nouvelle combla la curiosité des gens à travers les places, les rues, les venelles. Personne n’avait jamais vu cet homme. Certains jeunes s’étaient aventurés – fanfarons – jusqu’à son refuge, plusieurs fois, seulement ils avaient toujours trouvé la grotte vide. Existait-il vraiment? »
— Magnifica, roman de Maria Rosaria Valentini, traduit de l’italien par Lise Caillat, éditions Denoël, août 2018 —
Quel beau partage Nadege, j’ai vraiment envie de lire ce livre avec cette couverture sublime. Merci 😙
Une très belle découverte de cette rentrée littéraire ; tu aimerais ce roman, j’en suis certaine.
J’apprécie beaucoup la peinture de Waterhouse. Son tableau « Hylas et les Nymphes » m’a toujours fasciné. Celui de la couverture, je ne le connaissais pas. C’est si beau. Pour en revenir au livre en lui-même, Maria Rosaria Valentini a une écriture ciselée et c’est vraiment le style de livre qui me plais. Je pense à Léonor De Recondo aussi. Ta critique est très belle, pleine de sensibilité.. Merci pour ce partage. Excellente semaine à toi, Bises bretonnes 🙂
Et bien je ne connaissais pas Waterhouse! Et j’aime beaucoup! Ce roman est vraiment très beau, j’ai adoré. Un de mes livres préférés de cette rentrée littéraire. Belle semaine à toi, bises.
En fait Waterhouse, je l’ai découvert par hasard, au tout début de mon blog, alors que je cherchais une peinture pour accompagner un poème. Merci Nadège, belle semaine à toi également, Bises bretonnes 🙂
Je ne connaissais pas cette italienne, j’ai vu qu’elle vivait en Suisse. Cela me rappelle cette réflexion de Silvia Avallone qui ne comprenait pas pourquoi tous les italiens fuyaient l’Italie qui était un pays « pas trop moche ». Enfin cela n’a rien à voir avec le roman. J’ai bien envie de la découvrir en tout cas.
Moi non plus, je ne connaissais pas Maria Rosaria Valentini. J’ai l’impression qu’elle est traduite en France pour la première fois… j’aimerai beaucoup découvrir ses autres romans.