Comme les jeunes gens de son âge – 15 ans – Mardochée va au lycée. Taiseux, il se tient à distance des autres élèves – attitude fréquente à l’adolescence. Seulement, il est vraiment différent voire étrange, ce garçon… Il semble évoluer dans un monde parallèle, longe les murs, ne participe pas au cours de sport, répond rarement aux questions, son esprit a l’air absorbé par un ailleurs envoûtant. Léo, qui est dans la même classe que lui, est intrigué. Il aimerait en savoir davantage sur lui et sa poignée de « congénères » au nom identique : Georgeson.
Léo tente une approche en invitant Mardochée à une fête. À ce moment-là, Léo ignore le pouvoir de cette invitation… une demande ô combien déstabilisante et troublante, qui va insuffler doute et flottement chez Mardochée, ouvrant une brèche dans son coeur et dans sa tête.
Depuis toujours, Mardochée vit dans la communauté du Livre de George, une « église » – ne figurant pas encore sur la liste des sectes – dirigée par le pasteur Wiggins. Installés sur le sol français, les enfants doivent se rendre sur les bancs de l’école jusqu’à seize ans. Passé cet âge, ils confient leur existence entière au Livre de George. N’ont plus le droit d’approcher les « restants » – tout étranger à la communauté –. Chrysostome, un ami de Mardochée, qui venait justement d’avoir seize ans, vient de mourir dans des conditions douteuses et contestables… Le jeune homme s’interroge et s’inquiète, il devient méfiant envers sa propre famille. Interdits, règles strictes, brimades, punitions, restrictions, abnégation de ses parents, manque de liberté… Mardochée étouffe, Léo l’entend : il va l’aider à respirer. Et on souffle avec lui, nous lecteurs. Heureux de le voir s’envoler, loin de cette congrégation toxique. Le thème, rare en littérature jeunesse est abordé avec discernement, et la construction narrative faisant alterner les voix des deux adolescents est puissante et juste.
« En fait tous ces trucs, tu y crois vraiment, toi ? Je sens mon sourire s’élargir. J’ai l’impression de parler aux plus jeunes de mes camarades, ceux qui ont moins de six ans et à qui les autres Enfants de la Congrégation lisent et commentent le Livre de George. – « Tous ces trucs », comme tu dis, sont des faits avérés, dont on ne peut pas douter. Comme le fait que le soleil se lève à l’est pour touner autour de la Terre. – Le soleil qui tourne autour de la Terre, donc ? Rèpète-t-il. – Oui. C’est évident, non ? Tout le monde sait ça. Évidemment, il y en a qui doutent. C’est normal. George ne donne la foi qu’à ceux qui le méritent parce qu’ils seront sauvés. »
« Pourquoi lui ai-je fait confiance ? Mon coeur bat à tout rompre. J’avance dans le couloir obscur avec l’impression de marcher tout en haut d’une muraille. Une muraille dont je peux tomber d’une seconde à l’autre. En bas, il y a… je ne sais pas. Peut-être les flammes de l’Enfer. Peut-être la liberté. Voilà trois nuits que je ne dors plus, ou presque. Tout tourne dans ma tête, oscillant en permanence entre deux visions opposées : celle où Léo et ses camarades me montrent le chemin d’une vie meilleure, plus juste, plus réelle ; et celle où ils sont les agents de David, de la tentation, pour me faire chuter et avec moi, peut-être, toute la Congrégation. »
— Les fils de George, roman de Manu Causse, dès 13 ans, Talents Hauts éditions, Juin 2016 —
Comme j’adore les histoires d’ado… Je note !
Un chouette roman sur un sujet rarement abordé.
Je le note aussi ! Le sujet effectivement rare en littérature ados m’intéresse fortement.
Et l’auteur a très bien amené le sujet.
C’est super intéressant ma Nadège de lire ton billet sur ce thème. Ce livre doit être vraiment particulier et j’imagine que l’atmosphère l’est tout autant. Comme un genre de mystère qui plane tout au long de la lecture. C’est l’impression que je m’en fais…
Bisous
Un thème que je n’avais encore jamais vu en littérature jeunesse, c’est bien que les ados découvre cet « univers » des sectes. Bises.