Elle était solaire, il était mélancolique. Actrice, sa beauté transperçait l’écran, écrivain, son écriture allait à l’âme. Elle venait de l’Iowa aux États-Unis, il était né à Vilnius – aujourd’hui en Lituanie – . Deux exilés, deux êtres charismatiques et sensibles, un couple fascinant et magnétique. Égérie de la Nouvelle Vague, elle venait de tourner À bout de souffle sous la direction de Jean-Luc Godard, il avait remporté en 1956 le Prix Goncourt pour Les racines du ciel – il était devenu écrivain après avoir été aviateur et diplomate – . Vingt-cinq années les séparaient mais l’amour les avait cueillis, passionnément. Elle, Jean Seberg, lui, Romain Gary.
Tous deux mariés lorsqu’ils se rencontrèrent, elle avec François Moreuil un avocat d’affaires français, lui avec Lesley Blanch, une auteure anglaise de dix ans son ainée. Ils divorcèrent – avec difficulté pour Gary, sa femme lui demandant une forte somme d’argent – et eurent un enfant : Diego. Sa naissance en 1962 fut gardée secrète… il n’était évidemment pas convenable dans les années soixante d’avoir un enfant hors mariage, en étant par ailleurs divorcés. Mais pour son enfant, Jean Seberg tenait absolument à se marier. Ce mariage fut célébré à l’abri de tous les regards ; ni famille, ni amis, ni journalistes, ni paparazzi n’y furent conviés. Gary et Seberg se marièrent en douce.
Et c’est le mystère qui règne autour de l’union de ces deux légendes du cinéma et de la littérature qu’Ariane Chemin, journaliste au Monde tente de lever dans ce livre. À partir de l’unique photographie du mariage, donnée par Diego, elle va remonter le fil de l’histoire. Son enquête va la mener en Corse où elle va faire la connaissance d’un danseur de tango de quatre-vingt quatorze ans, ancien agent des services secrets, organisateur de ce mariage en catimini et auteur de ce cliché. Les protagonistes étant tous morts, le vieil homme a décidé de dévoiler les coulisses de ce 16 octobre 1963.
On suit donc cette enquête, retrouvant et/ou découvrant avec plaisir les premiers pas artistiques de Seberg et Gary, leurs racines, leur ascension, les personnalités qu’ils ont croisées – la rencontre avec le couple Kennedy est passionnante –, remontant ainsi jusqu’au jour des noces. Un mariage en douce, expéditif et austère, une froideur qui résonne en écho à la fin tragique des mariés qui se suicideront à un an d’intervalle, après avoir vécu des existences flamboyantes et étourdissantes. Un récit qui se lit comme un roman.
« Personne n’avait rien su de ce mariage en douce. Le monde entier avait raté l’union de La promesse de l’aube et d’À bout de souffle. Il aurait dû faire la « une » de tous les magazines, de Life à Paris-Match, de Jours de France à Vogue, et même du Harper’s Bazaar, mais aucun photographe n’avait saisi de cliché de la fête, aucun témoin n’avait raconté les noces de ces deux mythes. L’actrice et le romancier, un duo de légende, et pourtant aucun récit, aucune trace. Le crime était presque parfait. »
« En un printemps, Jean est élue Américaine préférée des françaises. Les étudiantes chantonnent « New York Herald Tribune ! » comme Patricia sur les champs Élysées, si du moins elles ont pu voir le film, interdit aux moins de dix-huit ans. On traverse les rues en dansant sur les passages cloutés, d’un pied sur l’autre, comme la petite pigiste vendeuse de journaux. Les filles s’habillent chez Prisunic, oublient leur soutien-gorge et volent l’accent et les fautes de français de Jean : « Qu’est-ce qu’il a dit ? – Il a dit Vous êtes vraiment dégueulasse. – Qu’est-ce que c’est dégueulasse? »
« Trois jours avant le mariage, il était tombé malade : une grippe carabinée, qui faisait ressembler son nez à une fontaine. « Si je ne me sens pas mieux mardi, je n’assisterai pas à la cérémonie », l’avait-il averti d’une voix mourante. « Oh, darling, faites un effort. Ce ne sera pas la même chose sans vous… » Comme tous les mélancoliques sensibles à la fuite du temps, il est allergique aux fêtes conventionnelles. Il a toujours détesté Noël, les anniversaires et, par-dessus tout, les mariages. »
(L’interview de Gary par Chancel ne commence pas avant la 58ème secondes..)
— Mariage en douce, Gary & Seberg, récit d’Ariane Chemin, Équateurs Éditions, Avril 2016 —
Une bien belle chronique qui donne vraiment le goût de lire cette belle histoire d’amour entre un écrivain d’exception et sa muse…
Un couple charismatique à souhait, Garry et Seberg…
superbe! Je ne connaissais pas, moi qui adore Gary!
Si tu aimes l’écrivain, tu aimeras ce récit, mais tu n’apprendras peut-être pas grand chose…
J’adore l’écrivain Romain Gary et bien sûr je ne connaissais rien de cette histoire d’amour.
Une lecture d’été à savourer alors…
Tu en parles très bien mais le sujet ne m’attire pas du tout.
Merci Jérôme. Je peux comprendre que le sujet ne t’attire pas…
Quel beau billet ma Nadège, et deux supers vidéos!
Ahhh…. tu sais à quel point j’aime Romain Gary, mon auteur favori ❤
Celui-là je ne pourrai pas passer à côté…
Merci pour cette merveilleuse découverte et bon weekend ma belle amie
Gros bisous xx
De Gary je n’ai lu que La vie devant soi et Clair de femme… je lirai sans doute La promesse de l’aube et Chien blanc. Bises.