Des mots qui, comme des perles, se glissent les uns auprès des autres, sur un fil. Un fil où les liens se tissent, se nouent, s’épousent, se tendent, se relâchent, s’écartent. Des mots sensibles et vrais, tour à tour rugueux, émouvants et tendres. Des mots amarrés à la vie d’une femme, l’auteure. De la petite fille à la maman. Des instants de vie, des images, des sensations. Des questionnements sur le passé, des réflexions sur l’avenir.
Évocation de ses origines troubles à des réminescences d’enfance ; un père qu’elle connaît peu venu du Maghreb, une mère fusionnelle, l’image forte d’une grand-mère. Le paysage de ses premières années est féminin. Même son nom, elle le tient de sa mère. Puis arrive le moment où l’enfance s’échappe, c’est le grand chambardement : la transformation du corps, l’apparition de sentiments nouveaux, des angoisses. L’homme sur le chemin, l’amour, le désir d’enfant et son enracinement, enfin. Et voilà d’autres déferlements de sensations et d’émotions qui coulent et roulent en elle. Son ventre se fait nid. Moment de plénitude.
L’enfant là, les gestes, au commencement incertains, deviennent naturels. Le fil s’enrichit, se fortifie. Apprendre à avancer ensemble. Se créer des souvenirs. Savourer. Puis penser à l’après, ne pas rompre ce fil. Garder le lien, malgré la distance, malgré les événements de la vie.
Ce récit m’a émue. Il raconte avec poésie, discernement et simplicité le cheminement d’une fille, d’une femme, d’une mère. Des mots vécus, profondément intimes et pourtant universels. Un petit livre intense parsemé de photographies de l’auteure, prises à la volée, sur le fil. Autant de fragments, de petits bouts d’elle. Des empreintes. Une plume à découvrir.
« Les mères arpentent l’imaginaire de leur enfant, s’y promènent, y sont des personnages récurrents, insaisissables, apparaissent ici et là en filigrane, s’échappent soudain pour resurgir plus loin. »
« Nous étions au moins trois. Trois sur un iceberg perdu. Un îlot sous l’égide des femmes. Femmes fortes, femmes frêles et fragiles, femmes bonbons et femmes dragons, femmes dociles et indomptables, femmes énervantes et énervées, femmes qui tombent et qui tiennent, femmes qui résistent, entêtées, femmes tyrans et femmes truands, femmes éperdues, femmes blessées, femmes qui tancent, rudoient, femmes héroïnes et femmes fantasques, femmes aveugles et sourdes, femmes mystiques, femmes burnées, peureuses et courageuses, femmes opiniâtres. »
« Magie de ce corps qui se transforme si bien, si vite, qui s’adapte, contient, se plie, se déplie, s’ouvre, filtre, donne et reçoit, qui palpite, frémit en recevant et accueillant la vie. »
« Que c’est fragile une famille tenant sur l’amour, que c’est vertigineux, que cela fait peur. Quel prodige !
« Ils partagent le secret de mon ventre, caverne vibrante, gravé en eux, inéluctable. Le même début, le même paysage, le même corps pour prendre racines. Le même chemin pour naître à la vie, sortir, se déployer, grandir. La filiation, puissante, gravée là on ne sait où, au coeur des chairs. »
« Mon enfant ne m’appartient pas, il me traverse et me transcende. »
« Je garde un phare magnifique, celui de mes enfants. Un jour je les verrai quitter le port pour aller plus loin encore. Un jour, mon phare tournera à vide. Mais jamais pour rien. Ils sauront que quelque part en mer, veille ce pillier étrangement dressé, bravant tempêtes, dangers, mers plates comme l’ennui, pour toujours rendre disponible la lueur en leur coeur. »
Merci à Agnès Janin de m’avoir fait parvenir son livre. Les photographies ci-dessus en sont extraites.
— Filiations, récit d’Agnès Janin, Les Éditions du désir, Octobre 2015 —
Waow ! Je ne cours pas spécialement après l’auto-fiction mais là…les mots de l’auteure me touchent, j’adore son écriture ! 😉
L’auto-fiction ne m’attire pas non plus. Mais, ses mots m’ont « cueillie »… j’y ai trouvé des résonnances… Et puis, cette auteure écrit vraiment bien!
Un fil de vie qui me semble incroyablement touchant. J’imagine à quel point on sort de cette lecture émue par cette histoire… Les photos sont magnifiques, je fond d’amour pour « La fratrie »… ❤
Plein de bisous ma Nadège
Ses mots touchent parce qu’on est passé par le même cheminement, les mêmes sensations… l’identité, le corps qui se transforme, le désir, l’amour, les enfants, la fratrie… un texte plein d’amour pour ses garçons, et j’aime beaucoup l’image du phare… Je t’embrasse.