La poésie du jeudi avec Anna de Noailles

robertpinchonlepontRobert Antoine Pinchon, Le pont aux anglais, soleil couchant, 1905

Voyages

« Un train siffle et s’en va, bousculant l’air, les routes,
L’espace, la nuit bleue et l’odeur des chemins ;
Alors, ivre, hagard, il tombera demain
Au cœur d’un beau pays en sifflant sous les voûtes.

Ah ! la claire arrivée au lever du matin !
Les gares, leur odeur de soleil et d’orange,
Tout ce qui, sur les quais, s’emmêle et se dérange,
Ce merveilleux effort d’instable et de lointain !

– Voir le bel univers, goûter l’Espagne ocreuse,
Son tintement, sa rage et sa dévotion ;
Voir, riche de lumière et d’adoration,
Byzance consolée, inerte et bienheureuse

Voir la Grèce debout au bleu de l’air salin,
Le Japon en vernis et la Perse en faïence,
L’Égypte au front bandé d’orgueil et de science,
Tunis, ronde, et flambant d’un blanc de kaolin.

Voir la Chine buvant aux belles porcelaines,
L’Inde jaune, accroupie et fumant ses poissons,
La Suède d’argent avec ses deux saisons,
Le Maroc, en arceaux, sa mosquée et ses laines… »

(Anna de NOAILLES, L’Ombre des jours, 1902)

Lapoesiedujeudi

D’autres poèmes choisis :

Asphodèle, Valentyne, Nelinha, Lili, Marie et Anne, Soène, Dan Gazénia, Jacou, Jean-Charles, Modrone-Eeguab, Natiora, Les Points Contés, Nadine. LylouAnne, Fransoaz, Dimdamdom59, Claudialucia

28 commentaires sur “La poésie du jeudi avec Anna de Noailles

    1. J’aime beaucoup Anna de Noailles. Quant au train, il y a tout un imaginaire autour… l’évasion, l’exotisme, le romantisme, le mystère…

    1. Oui aujourd’hui, on est dans l’ère du rapide…il faut aller vite. Il n’y plus que la destination qui compte. Le trajet est devenu fastidieux.

  1. Anna de Noailles rime avec trouvaille et j’aime chacune d’entre elles associée au pays qui accueille le voyageur. De belles images!

    1. Quelle poétesse! Elle réussit à nous transporter littéralement, avec des mots si simples… ah la puissance évocatrice des images…

  2. Anna de Noailles est une poète que j’aime beaucoup. L’Espagne, la Grèce, le Japon, qu’est-ce que j’aimerais être du voyage, dans ce train qui siffle…

  3. Il est étonnant ce poème car je ne pense pas qu’Anna de Noailles soit allée aussi loin que le Japon et la Chine mais elle trouve des images pour illustrer chaque pays qui font mouche ! Une grande poétesse, tu commences fort !!! 😀 (je n’ai pas pu te répondre hier mais je t’avais notée, j’avais de la famille jusqu’à aujourd’hui après manger, pas pratique pour bloguer !!!^^)

    1. Ses poèmes font souvent mouche, comme tu dis. Ses mots sont toujours choisis avec justesse et sensibilité. Elle écrivait une poésie des Sens, qui saisit le lecteur, forcément.

    1. J’aime beaucoup cette poétesse. Ce poème-ci, je l’ai découvert il y a peu. Je m’en vais lire cette histoire d’âne vert…

    1. Comme toi, j’aime beaucoup ces mots-là « Ce merveilleux effort d’instable et de lointain »… c’est terriblement beau!

  4. J’aime beaucoup Anna de Noailles. Tu es une des rares blogueuses à mettre à l’honneur ces femmes du passé. Je reviens toujours vers ton blog avec énormément de plaisir. Il y a toujours des tas de choses intéressantes.

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