Quand on passe son enfance dans une maison couleur « rose cul » à Lapérouse, dans le grand nord américain, une petite ville continuellement embrumée, encadré d’un père illétré d’origine finlandaise aimant mais taiseux et effacé, d’une mère à moitié folle, dévote et austère et d’une soeur qui à la suite d’un malencontreux accident ne grandit plus dans sa tête, quitter cet endroit devient un désir vif, une idée fixe.
L’atmosphère lourde de cette communauté repliée sur elle-même et l’environnement familial néfaste étouffent littéralement Maria Cristina Väätonen, seize ans. Quatre murs qui l’oppressent, trois personnes qui l’empêchent de respirer, une once d’oxygène qui la fait voyager : les livres.
Partir est nécessaire, prendre son envol, chercher un ailleurs, se libérer de ce qui coince à l’intérieur. Elle s’en va. Se détache de ce noyau familial toxique. Se sent exister enfin.
Elle se pose à Santa Monica. Il y fait chaud, un vent de liberté souffle sur ces années soixante-dix… Elle loge chez Joanna qui deviendra son amie, sa confidente, une personne au bon coeur, légère et inconsciente mais solide. Très vite, elle deviendra la secrétaire (et plus si affinité) d’un écrivain sud américain ayant connu son heure de gloire (aujourd’hui évanouie), un type charmeur et présomptueux, extravagant à souhait, et méprisable… Face à Maria Cristina, Rafael Claramunt, puisque tel est son nom, se met à jouer les pygmalions.
La jeune femme, encore mineure, écrit son premier livre (autobiographique) qu’elle titre La vilaine soeur. En mettant ses maux sur le papier, elle se défait de son passé. D’autres livres suivront, son talent sera reconnu à sa juste valeur.
Mais un jour, alors qu’elle se trouve dans sa jolie résidence, avec piscine, de Santa Monica, un coup de fil renoue le lien avec ses racines. Sa mère est de l’autre côté de la ligne, la suppliant de venir chercher Peeleete, le fils de sa soeur.
Tant d’années à trouver un semblant de bonheur réduit à une peau de chagrin. Toute une époque qui remonte à la surface. Un cas de conscience. Un enfant à délivrer. De la haine. De l’amour. Du chagrin. Des frissons. Un sentiment maternel. Une catastrophe naturelle. Des gens mauvais et intéressés et d’autres si bons et honnêtes. Des gagnants et des perdants. Des mystificateurs. Quant aux meilleurs, c’est bien connu, ce ne sont jamais eux qui restent…
On retrouve les thèmes chers à l’auteure ; l’émancipation féminine, des relations familiales conflictuelles, la culpabilité, l’imposture, l’attirance sexuelle, et une reflexion intéressante sur l’acte d’écrire. Fantaisie et gravité, imaginaire et réalité s’entremêlent avec intelligence. Un très beau roman.
« Les deux soeurs se bagarraient tout le temps. Elles étaient comme deux petits animaux impitoyables. Elles se tapaient sur la tête, se tiraient les cheveux, se mordaient et s’écorchaient. Elles s’inventaient des insultes, se piquaient avec des épingles de nourrice, ne se nettoyaient pas les ongles pour pouvoir s’infecter quand elle se griffaient, tentaient en permanence de se monter dessus, de s’empiler l’une sur l’autre et d’être celle qui serait tout en haut. Mais aussi elles s’embrassaient, se juraient qu’elles avaient la meilleure soeur qui fût et s’assuraient qu’elles n’auraient pas survécu dans cette famille si elles avaient été fille unique. »
« Mais tu veux faire quoi dans ta vie toi ? Et Maria Cristina répondit, Je veux écrire, et Joanne dit, Des poèmes, des chansons ? Et Maria Cristina dit, Des roman, je veux écrire des histoires, je veux écrire des livres et Joanne dit, Tu ne peux pas écrire des livres, il ne t’est encore rien arrivé. »
« – Et que dit Stevenson ?
– Il dit que le but de toutes les histoires c’est de satisfaire le désir ardent de celui qui les lit. Pour ce faire, il te faut obéir aux lois idéales de la rêveries, aux coincidences et à l’appétit de correspondances mystérieuses. »
Lecture commune avec Philisine, L’or rouge, Lili et Piplo
— La grâce des brigands, roman de Véronique Ovaldé, Editions de l’Olivier, Août 2013 —
Je n’ai lu aucun de ses romans mais l’ai rencontrée lors d’une soirée dans ma librairie préférée. C’est une jolie personne, pleine de grâce (l’autre!) et d’énergie. Il va falloir que je m’y mette !
Tu as beaucoup de chance de l’avoir rencontrée. J’ai préféré son roman Ce que je sais de Véra Candida mais j’ai beaucoup aimé celui-ci aussi.
C’est un bon roman très riche au final. Merci d’avoir partagé ce moment de lecture avec moi. Des bises
Merci à toi aussi pour cette lecture partagée. Véronique Ovaldé est vraiment une auteure que j’aime beaucoup.
Pour ma part, et malgré toutes les qualités de Véronique Ovaldé, je suis plutôt passée à côté de ce titre là. Dommage.
En ce qui me concerne, ce roman-ci m’a conquise… j’aime toujours autant son « univers ».
Désolée mais j’aurais un peu de retard pour ma publication, il me reste cinquante pages à lire et ce n’est pas ce week end (hyper chargé) que j’aurais le temps… Mais je n’ai pas connu l’emballement que j’ai eu pour Vera Candida… Je reviendrais pour lire ton billet !!
Ah… Ce que que je sais de Véra Candida est un sacré bon roman… mais sincèrement son dernier m’a beaucoup plus aussi. Pas grave pour le retard, à bientôt donc!
Une bien jolie critique Nadael! Je suis passée à côté de ce texte. Mis à part le positionnement du narrateur qui était intéressant tant sur le fond que la forme, je n’ai pas accroché du tout à sa vie. Encore moins lorsqu’elle quitte son enfer familial…
Merci Piplo. C’est justement pour les ressentis différents entre lecteurs que les lectures communes sont si riches.
Jamais lu Véronique Ovaldé mais ton avis et celui de Philisine me laissent penser que je pourrais aimer.
Si tu ne l’as jamais lu, je te conseille vivement d’entrer dans l’univers d’Ovaldé avec Ce que je sais de Véra Candida…un roman très beau.
un coup de coeur pour moi !
Pas un coup de coeur mais j’ai beaucoup aimé.
J’ai eu un peu de mal avec « et mon coeur transparent », je cite de mémoire. Mais il faut essayer souvent un second roman pour se faire une idée.
Ce roman-là est bien meilleur (enfin c’est mon avis) que celui dont tu parles. Et Ce que je sais de Véra Candida est vraiment magnifique, je te le conseille si tu ne l’as pas déjà lu.
J’ai publié mon billet je peux donc venir lire le temps, je trouve que tu as très bien trouvé les mots pour parler de ce livre… Et j’avais aussi relevé et noté le passage des soeurs bagarreuses… Pour ma part il m’a laissé un peu dubitative, je n’ai pas vraiment réussi à m’intégrer à l’histoire, seule Maria Cristina et ,son enfance a éveillé mon intêret… Une petite déception par rapport à « Vera Candida » mais ça arrive ;0) Et j’ai trouvés pleins d’avis différents… Bisous, bonne journée
Véronique Ovaldé crée un univers tellement singulier dans ses romans qu’elle déroute parfois un peu les lecteurs…j’irais lire ton billet. Bises.
(lire le tien ;0)
Voilà une excellente note !! Je n’ais pas été séduite par Véra Candida, mais il faudrait que je lui laisse une seconde chance …
Je suis fan de cette auteure…
Je n’ai (bien sûr !!)