Une pièce montée – Blandine Le Callet

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La saison estivale a commencé, période propice aux mariages… alors me voilà plongée dans la lecture du premier roman de Blandine Le Callet : Une pièce montée. L’auteure s’amuse à « démonter » cette fameuse journée dîte inoubliable. Avec insolence, cynisme, tendresse, fantaisie, elle déroule les différentes étapes, de l’arrivée à l’église à tard dans la nuit, elle dresse une galerie de portraits où amour, haine, hypocrisie, jalousie, envie, méchanceté, vieilles rancoeurs, doutes persistants et secrets de famille se partagent la vedette.

Deux familles « bien sous tout rapport », une organisation impeccable, un défilé de robes couleur pastel, de grands chapeaux et de costumes trois-pièces, des sourires à toutes les lèvres… des femmes fardées, des hommes « coincés » dans leurs tenues d’apparat, des enfants qui courent tant bien que mal dans leurs habits élégants mais  inconfortables…

Bérangère et Vincent se marient donc entourés de leurs familles et leurs amis dans une ambiance heureuse et festive mais si l’on gratte un peu sous le glacis, l’atmosphère est beaucoup plus froide.

Blandine Le Callet a eu la bonne idée de nous faire partager les points de vue de quelques personnages plus ou moins impliqués dans le mariage ; Pauline, petite fille de huit ans toute fraîche et innocente, qui admire la robe de princesse de sa tante mais qui déchantera très vite devant la réaction féroce de celle-ci face à une fillette trisomique, allant jusqu’à l’évincer de la photo ; Bertrand, un prêtre en pleine dépression, écoeuré par le peu de considération des mariés pour la religion privilégiant le spectacle ; Madeleine, la grand-mère de la mariée, une vieille dame qui porte en elle un lourd secret dont elle aimerait se libérer avant de partir pour toujours ; Hélène, la femme du frère de la mariée, un époux qui s’occupe plus de sa voiture que d’elle, mère de trois enfants, une vie où l’ennui s’immisce jour après jour ; Marie, soeur de la mariée, plus âgée et toujours célibataire, un bon job mais seule, se sent un peu comme le vilain petit canard de la famille ; et l’oncle Jean-Philippe rejeté par sa famille avant qu’il ne fasse fortune, Vincent le marié tout déstabilisé par le mariage, Damien, le séducteur célibataire aux paris odieux, et Bérangère, la mariée, princesse belle et cruelle qui s’adouciera enfin suite à une longue discussion avec sa grand-mère.

Un roman choral parfaitement maîtrisé. Une bonne dose d’ironie. On passe un bon moment à ce mariage.

« Ça lui pèse vraiment d’être considérée comme une pauvre célibataire qui-prend-sur-elle-au -mariage-de-sa-petite-soeur-mais-on-voit-tout-de-même-que-c’est-difficile. Malgré tout, elle se dit que c’est important de participer à cette fête. Même si elle a parfois l’impression d’être une étrangère parmi les siens, même si elle a du mal à les supporter, elle a besoin de les retrouver, de temps en temps, et de passer des moments en famille. Et puis, elle doit avouer qu’elle n’est pas peu fière de sa tenue. Sur la banquette arrière, elle pose la robe bien à plat dans une housse, et par-dessus, le carton à chapeau. Elle sourit en tournant la clé de contact de sa twingo verte passablement cabossée. »

« Il sourit aux photographes, embrasse sa femme, se protège en riant d’une pluie de riz… Il éprouve un léger vertige, comme si tout son être tentait désespérement de s’extirper de son corps pour s’enfuir en courant. C’est fait. Autour d’eux, il y a une foule de visages familiers qui lui semblent à cette heure totalement étrangers. Il les voit applaudir et crier « Vive les mariés! ». Il sourit, mais ce déferlement de joie le terrorise et lui inspire une sorte de dégoût. »

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Une pièce montée, roman de Blandine Le Callet, Le livre de Poche, première publication chez Stock en 2006 —

16 commentaires sur “Une pièce montée – Blandine Le Callet

    1. Celui-ci est son premier roman (d’ailleurs il faut que je t’envoie le lien pour le challenge!), je n’ai pas lu Dix rêves de pierre, en revanche, son second roman La balade de Lila K est inoubliable pour moi.

  1. J’ai adoré la vision de tous ces personnages sur le mariage cette cérémonie vieillotte qui doit avoir son importance vu la révolte suite au mariage pour tous.

  2. J’ai adoré ce regard décalé, distancié et cette dose de cynisme. Mon avis était plus mitigé pour la balade de Lila même si ce livre m’a marqué.

    1. Oui, moi aussi l’ironie m’a beaucoup plu. Et on n’est pas si loin de la réalité, parfois… En ce qui me concerne, j’ai préféré La balade de Lila K. Ce roman m’a bouleversée.

    1. Un roman qui mêle allégrement les sentiments les plus divers. On passe du rire aux larmes en quelques lignes. J’aime beaucoup cette auteure.

  3. Sous un prime abord léger, ce roman tourne rapidement au drame tant il sait lever les voiles des convenances sociales. Un bon et vrai souvenir de lecture. Par contre, suis passée à côté de la ballade de Lila K. Pas lu au bon moment, pas bien compris certainement, abandonné en cours de route en tout cas.A ressayer un jour ?

    1. Ces deux romans sont tellement différents l’un de l’autre… je peux comprendre ta déception à la lecture de Lila K. En ce qui me concerne, il est l’un des plus beaux livres que j’ai lu ces dernières années.

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