« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas ! Cesse d’être un problème… »
Extrait de Mon rêve familier de Paul Verlaine
Des mots empruntés à Verlaine pour ce titre magnifique, une inspiration romantique pour un roman qui s’avère au final plutôt sombre. Comme dans le poème, on a l’évocation d’une femme aimée, sublimée, idéalisée. Une femme insaisissable, mystérieuse et si présente dans son absence. Et puis on a un homme en pleine confusion entre le rêve et la réalité, le passé et le présent. Un bonheur perdu, le surgissement d’une mélancolie.
L’homme de l’histoire se nomme Lancelot. Porter le nom d’un chevalier légendaire, grande figure romanesque est un poids supplémentaire pour cet homme qui a si peu d’estime de lui-même. Alors qu’il est bien installé dans la vie maritale depuis une vingtaine d’années, il reçoit un choc émotionnel terrible lorsqu’il rencontre Irina. En marchant dans la rue, un talon aiguille tombe du ciel devant lui, c’est celui de la belle Irina. Submergé par ses sentiments vifs à l’égard de la dame, Lancelot quitte son foyer pour vivre son histoire d’amour avec sa dulcinée, sa cendrillon…
Mais les contes abondent d’épreuves, on le sait. Une voix au téléphone annonce à Lancelot un soir la mort d’Irina, retrouvée noyée dans la rivière à l’intérieur d’une voiture qui n’était pas la sienne… Et c’est le déluge dans la tête de Lancelot. Hormis la tristesse qui le terrasse, une cascade d’éléments dont il ignore tout inonde sa propre existence. Irina aurait eu une vie parallèle… des noms remontent à la surface ; une demoiselle Tralala, Paco Picasso un père qui aurait dû être décédé, un certain Romero, et Kurt Bayer qui se fait désormais appelé Klaus Meyer… des découvertes étranges comme des recettes pour fabriquer des bombes, des meubles qui disparaissent…
Lancelot veut comprendre, alors il avance dans le brouillard, l’esprit embué par les médicaments en quête de réponses. Le vrai visage d’Irina se dévoile lentement mettant Lancelot dans tous ces états : il est tour à tour inquiet, paniqué, paranoïaque, en colère, surpris face à la dureté de la réalité, lui qui évoluait jusqu’ici dans un monde onirique.
L’univers de Véronique Ovaldé est toujours plaisant. On entre aisément dans son monde imaginaire, où le rêve, la fantaisie, la poésie, la légèreté se mélangent avec la réalité crue, la mort, le deuil, la douleur. Un bémol cependant pour ce roman-ci ; le dernier tiers m’a semblé bien long et la fin déconcertante.
« (…) les mocassins plats ont toujours un air abandonné, incomplet et pitoyable, les chaussures à talons aiguilles vivent leur vie de conte de fées sans le soutien de qui que ce soit, elles peuvent gésir à terre, sur un lino douteux, elles conservent une grâce miraculeuse et une splendeur distante. »
« Il a peur de ne bientôt plus pouvoir se remémorer aussi distinctement le visage d’Irina, il aurait aimé qu’elle porte des lunettes, il aurait aimé que son visage soit mémorisable autour d’un accessoire, que son visage, le souvenir de son visage, puisse devenir cet accessoire. »
« Irina serait une luciole. Une luciole grillée. Un faible bruit de cuisson et la lumière s’éteindrait. Que reste-t-il donc d’Irina dans sa petite boîte en métal? »
« Une ombre vit sur le visage de ceux qui ont perdu quelqu’un. L’ombre d’une plante grimpante. Elle croît à leur insu et, quand ils pensent que personne ne les surveille, elle baigne leurs traits d’absence, de gravité et de perplexité. C’est un démon discret qui habite leur visage. Il se cache dès que quelqu’un le regarde. »
— Et mon coeur transparent, roman de Véronique Ovaldé, première publication aux Editions de l’Olivier en 2008 —
Quel livre de cette auteure me conseillerais-tu ?
Merci 😉 Bonne soirée !
Oh sans hésitation je te conseille la lecture de Ce que je sais de Véra Candida
Merci c’est noté 😀 bonne soirée
J’ai les mêmes réserves pour ce livre qui m’avait paru user tout de même de grosses ficelles et de quelques facilités malgré une écriture plaisante mais au fond superficielle.
J’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver l’atmosphère singulière que Véronique Ovaldé insuffle dans ses livres et son imaginaire fantaisiste mais au fur et à mesure de ma lecture, je me suis ennuyée…
je resterai sur le souvenir agréable de son roman ce que je sais de Vera Candida.
Pour moi aussi, Vera Candida est un très bon souvenir de lecture. J’ai beaucoup aimé les histoires de ces trois générations de femmes…la grand-mère, la mère, la fille.
L’histoire semble compliquée, merci pour ton avis.
Oui l’histoire est alambiquée, beaucoup de tours et détours pour une fin déconcertante. Mais, l’univers propre à Véronique Ovaldé, empreint de fantaisie est bel et bien là.
Voilà une écrivaine que je n’ai pas encore lue… ce que tu en dis me tente et j’avais déjà eu envie de lire « Vera Candida » !
Je te conseille évidemment – si tu veux connaître cette auteure – de commencer par Ce que je sais de Vera Candida.
Ce que je sais de Vera Candida m’avait plutôt laissée perplexe, et l’envie de relire cette auteure n’est pas revenue depuis !!!
Moi c’est Et mon coeur transparent qui me laisse un peu perplexe… mais j’avais beaucoup aimé Ce que je sais de Vera Candida.
J’ai rencontré cette auteure au Salon du livre de Montréal l’an dernier. Je n’ai pas lu celui-ci, mais l’autre que nous avons en commun sur « une île déserte » 🙂 …
Bonne journée à toi
Tu as bien de la chance d’avoir rencontrée Véronique Ovaldé. J’aime beaucoup cette auteure et son univers si particulier.