De grandes espérances – Charles Dickens, adaptation de Marie-Aude Murail

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Philip Pirrip, dit Pip, a sept ans lorsque nous le découvrons, dans une petite ville grisâtre de la campagne anglaise entourée de marais. Orphelin de père et de mère, il vit chez sa grande soeur qui l’a recueilli, et Joe Gargery son mari, forgeron. Acariâtre, elle ne montre aucune affection pour son jeune frère. En revanche, une amitié sincère lie le garçon et Joe, tellement profonde que rien ne semble l’ébranler. Pip est un être sensible et réservé mais débrouillard et intelligent.

Un jour, alors qu’il se recueille sur la tombe de ses parents, un homme étrange l’accoste. Tout juste évadé, il traîne encore avec lui ses chaînes. Le forçat demande au jeune garçon de lui procurer une lime et de la nourriture. Tout d’abord apeuré, Pip mène à bien sa mission.

Quelques mois plus tard, sa soeur l’envoie « divertir » une vieille dame excentrique, Miss Havisham. Celle-ci demeure dans une grande maison aux volets fermés car depuis que son futur époux l’a abandonnée, elle y traîne sa mélancolie. A ses côtés, une jeune fille, Estella, la suit comme son ombre. Miss Havisham l’élève à sa façon, durement, dans la haine des hommes. Si Pip est fasciné par la vieille dame, il est littéralement ébloui par la beauté d’Estella.

En âge de travailler, Joe le prend comme apprenti à la forge. Les deux compères s’entendent bien. Une jeune femme, Biddy, future maîtresse d’école lui apprend à lire, à écrire et à compter. Pip, devenu un jeune homme commence à trouver son existence un peu étriqué et rêve à un avenir meilleur.

C’est alors qu’un homme élégant, un avocat londonnien, souhaite converser avec Pip. Un mystérieux bienfaiteur lui donne la possibilité de devenir un vrai gentleman. Il débarque alors à Londres, débordant de joie. De grandes espérances se profilent.

Fera-t-il des rencontres intéressantes ? Connaîtra-t-il enfin le nom de son protecteur ? Estella gardera-t-elle une place dans son coeur ? Sa jolie relation avec Joe demeurera-t-elle avec les ans et la métamorphose de Pip ? Son ascension sociale sera-t-elle aussi fulgurante ?…

Marie-Aude Murail a fait un travail d’orfèvre sur le texte de Dickens. A aucun moment, l’esprit, le style, l’atmosphère de l’auteur ne sont chahutés. Elle a su rendre la prose plus légère et plus fluide en simplifiant le vocabulaire, en réduisant les descriptions, en racourcissant des phrases trop longues, en supprimant énumérations, répétitions et détails obsolètes. Quant à Philippe Dumas, il a merveilleusement retranscrit les situations, les personnages et leurs émotions à travers ses aquarelles. La lecture, jalonnée de ses dessins s’avère être une promenade des plus agréables. L’immersion dans le monde de Dickens est total.

L’illustre auteur anglais a écrit là un véritable roman d’apprentissage. En arrière-plan une fresque sociale, et aux premières loges des personnages subtilement croqués aux sentiments tiraillés par l’ambition, les valeurs, les décisions parfois lourdes, l’affectif, leur origine sociale… Le travail effectué par Marie-Aude Murail et Philippe Dumas est juste parfait pour les jeunes gens qui souhaitent découvrir Dickens.

« Ma soeur, en m’élevant comme elle l’avait fait, avait exacerbé ma sensibilité. Dès que j’avais su parler, j’avais compris qu’on était injuste avec moi. Dans le petit monde où vivent les enfants, rien n’est plus vivement ressenti que l’injustice. »

« Nous ne devrions jamais avoir honte de nos larmes. C’est une pluie qui disperse la poussière recouvrant nos coeurs endurcis. »

« Mon vieux Pip, mon vieux copain, la vie, tu vois, c’est comme une chaîne de séparations qu’on avait soudées ensemble. Il y a ceux qui réussissent, et ceux qui ne réussissent pas. La séparation entre ces gens-là vient un jour ou l’autre, et il faut l’accepter quand elle vient. Si les choses n’ont pas très bien marché aujourd’hui, c’est de ma faute. Toi et moi on n’est pas faits pour se voir à Londres, on est fait pour se voir en privé. C’est pas que je suis fier, mais je sais que je fais mauvaise figure quand on me sort de ma forge ou de mes marais. Tu me trouveras moins de défauts si tu penses à moi dans ma tenue de forgeron avec mon marteau à la main. Tu me trouveras moins de défauts si tu viens me voir à la forge. Je suis pas très malin, mais je crois bien que j’ai mis le doigt sur la vérité. »

« – Ne plus penser à vous ! Mais vous faites partie de mon existence, partie de moi-même. Je n’étais qu’un petit garçon bien ordinaire lorsque je suis venu ici pour la première fois, mais vous avez blessé mon coeur. Depuis ce jour, vous avez été dans chaque ligne des livres que j’ai lus. Vous avez été dans chaque chose que j’ai vue. Sur la rivière, sur les voiles des vaisseaux, sur les marais, dans les nuages, dans la lumière, dans l’obscurité, dans le vent, dans la mer, dans les bois, dans les rues, vous étiez et vous êtes présente, Estella. Vous êtes l’incarnation de mes plus belles rêveries. »

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 — De grandes espérances, roman jeunesse de Charles Dickens, adapté par Marie-Aude Murail et illustré par Philippe Dumas, Collection Medium, L’école des loisirs, Novembre 2012 —

5 commentaires sur “De grandes espérances – Charles Dickens, adaptation de Marie-Aude Murail

  1. Bonjour Nadael, je suis en train de faire mon billet sur ce livre et comme tu le sais je n’arrive toujours pas à mettre des photos de mon APN sur mon ordi… Est ce que ça t’embèterait si j’utilisais quelques unes de tes illustrations ?? (il est évident que je mettrais le lien vers ton billet, de toute façon je le ferais même si je n’utilise pas tes illustrations :0)

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